Il fallait bien que Quentin Dupieux, expert en absurdités qui font grincer, s’attaque au cirque des influenceurs. Avec L’accident de piano, le cinéaste imagine une fable noire nichée dans un chalet des Alpes françaises. Magalie, star du web richissime et sans scrupules, fuit un drôle d’événement et s’isole avec Patrick, son assistant dévoué à l’excès. Une journaliste tenace débarque, promettant révélations et chantage. En moins de 90 minutes, le film déroule une comédie acide où l’algorithme tutoie la cruauté et où l’image vaut tout, surtout quand elle choque.
Date de sortie, durée…
Sorti dans les salles françaises le 2 juillet 2025, le long métrage affiche une durée ramassée de 1 h 28. Il est distribué chez nous par Diaphana, avec Adèle Exarchopoulos, Jérôme Commandeur, Sandrine Kiberlain et Karim Leklou en têtes d’affiche. La mise en disponibilité en vidéo à la demande a été annoncée pour le 4 novembre 2025.
Synopsis
Magalie, vidéaste star qui prospère sur des contenus casse-cou à la Jackass, se retire en altitude après un incident aussi mystérieux que spectaculaire. Le corbeau qu’elle enterre dans la neige sur le chemin du chalet dit déjà tout de son empathie sélective. Patrick, son homme à tout faire, encaisse les caprices contre un salaire confortable. Quand une journaliste entreprend de la faire payer pour ses écarts, la forteresse de Magalie se lézarde. L’accident de piano n’est ni un film d’enquête ni un pur vaudeville, c’est une comédie au nerf cruel qui ausculte notre goût pour la honte et la mise en scène permanente.
Une Adèle métamorphosée
La performance d’Adèle Exarchopoulos est au cœur du projet. Physiquement transformée, elle campe une Magalie désarmante de bêtise assumée et d’aplomb glacial, mutique quand il faut, explosive quand l’ego réclame sa ration. Son langage unique tient à l’argent, aux vues et au buzz. Jérôme Commandeur compose un assistant mielleux et rancunier, Sandrine Kiberlain une journaliste implacable qui parle à coups de preuves et de regards droits. Cette triangulation donne au récit sa tension principale, entre cynisme, peur du déclassement et avidité d’audience.
Le découpage court, les cadres serrés et les inserts absurdes créent un tempo sec. La montagne agit comme un écran blanc où viennent se projeter nos pulsions d’attention. Le corbeau revient comme un motif, entre gag morbide et mauvaise conscience. L’écriture mord sans surligner et l’irruption du chantage installe une pointe de thriller. On reconnaît la patte Dupieux dans ce mélange d’idiotie parfaitement calibrée et de lucidité sociale qui laisse un arrière-goût amer.

L’accident de piano prolonge l’intérêt du cinéaste pour les figures en décalage avec le réel. Ici, l’obsession s’appelle visibilité. Le film interroge le prix à payer pour rester au centre du cadre et la facilité avec laquelle une époque confond notoriété et talent. C’est mordant, parfois presque moraliste, mais le trait fonctionne parce qu’il vise large. Influenceurs, fans, médias et spectateurs, tout le monde est renvoyé à sa part de responsabilité dans l’économie du choc et du contenu.
La femme la plus riche du monde : que vaut le film avec Isabelle Huppert et Laurent Lafitte
Dans la filmographie de Dupieux
Après les kamikazes du verbe de Yannick, la mise en abyme du Deuxième acte et le délire contrôlé de Daaaaaalí, ce nouveau cru joue plus frontalement la satire sociale. Moins inventif sur la forme que les plus joueurs de ses films, il en partage la brièveté, la sécheresse du gag et cette manière de s’arrêter net en laissant des bleus. Les fidèles du réalisateur y verront une variation neigeuse sur son obsession préférée, l’absurde tapie derrière le quotidien.
Où a été tourné le film
Le cinéaste a posé sa caméra en Haute-Savoie durant l’hiver 2025, entre Megève, Combloux et Sallanches, avec quelques séquences dans le Var. Le décor de chalet, les routes enneigées et l’isolement ne servent pas qu’une ambiance, ils verrouillent la dramaturgie autour d’un trio prisonnier de ses secrets.
Accueil et chiffres
Démarré à environ 151 000 spectateurs la première semaine, le film a terminé son exploitation française autour de 387 000 entrées pour un cumul mondial estimé à un peu plus de trois millions de dollars. C’est une performance solide pour une comédie noire estivale qui se joue des attentes. L’arrivée sur les plateformes de vidéo à la demande, datée début novembre 2025 en France, devrait prolonger sa vie auprès d’un public curieux.
Faut-il le voir ?
Oui, si l’on aime les satires courtes et incisives, les personnages volontairement antipathiques et les actrices qui se bousculent elles-mêmes. Peut-être pas si l’humour noir et la cruauté douce-amère vous laissent froid. Le film n’est pas le plus surprenant de Dupieux, mais il compte parmi les plus brûlants dans sa manière de regarder nos écrans et leurs mirages.
Fiche technique du film :
Titre : L’accident de piano
Réalisation et scénario : Quentin Dupieux
Interprètes principaux : Adèle Exarchopoulos, Jérôme Commandeur, Sandrine Kiberlain, Karim Leklou
Genre : Comédie noire
Durée : 1 h 28
Pays : France
Distributeur France : Diaphana
Sortie cinéma France : 2 juillet 2025
Mise à disposition VOD France : 4 novembre 2025
Verdict Geekette
3,5/5.
L’accident de piano ne réinvente pas le cinéma de Dupieux, mais en condense la méchanceté joueuse et la lucidité. Exarchopoulos y livre une prestation réjouissante de noirceur, Kiberlain tranche comme un couteau dans la glace, Commandeur compose un faire-valoir trouble. On rit, on grimace, on se refait la scène du corbeau en rentrant et surtout, on se surprend à regarder différemment l’économie des vues.
