LANDERNEAU (Finistère) — Ce samedi 17 mai, les rues de Landerneau se sont littéralement colorées de bleu. Pas un ciel sans nuages, mais une mer humaine de bonnets blancs, de visages bleuis, de sourires complices. 3 076 personnes ont répondu à l’appel improbable lancé par la ville : battre le record du monde du plus grand rassemblement de Schtroumpfs.
Et cette fois, c’est la bonne. Landerneau entre officiellement dans le Guinness World Records. Après deux tentatives infructueuses, la troisième fut la plus réussie. Et pas seulement en chiffres.
« On a schtroumpfé le record ! » : l’annonce qui a fait vibrer toute une ville
À 17h04 précises, sous une pluie fine typiquement bretonne mais sans jamais entamer l’enthousiasme ambiant, le verdict est tombé. L’arbitre officiel a validé les chiffres : 3 076 Schtroumpfs, parfaitement comptés, photographiés, identifiés. Cris de joie, larmes pour certains, et surtout beaucoup d’éclats de rire.
Le maire de la ville, Patrick Leclerc, ne s’est pas fait prier pour s’exclamer :
“On a schtroumpfé le record !”
Un clin d’œil assumé à l’univers du dessinateur belge Peyo, père de ces petits êtres bleus apparus pour la première fois en 1958.

Une ambiance hors du temps
Il fallait être là pour le vivre. Dès le matin, des voitures arrivant de tout le Finistère, parfois même de plus loin. Des cars venus de Rennes, Nantes, Morlaix, et même un groupe de lycéens de Versailles. Tous avaient un point commun : bonnet blanc sur la tête, visage maquillé à la gouache ou à la peinture de carnaval, parfois même costume fait main cousu avec amour.
Dans les cafés, on croisait des Schtroumpfs en terrasse sirotant une bolée de cidre (hors comptage, bien sûr). Des enfants grimés en Bébé Schtroumpf, des grands-parents en Schtroumpf grincheux. Une joyeuse cacophonie bleutée.
Simone Pronost, 82 ans, résume la philosophie de la journée, en posant sa chope de bière :
“J’ai une amie qui m’a poussée. Je me suis dit, à mon âge, pourquoi pas ? Eh bien, je ne regrette pas. On devrait tous Schtroumpfer un peu plus souvent.”
2020, 2023 : des échecs au goût amer
Car cette victoire est d’autant plus savoureuse qu’elle a été longtemps attendue.
- En mars 2020, Landerneau avait déjà rassemblé 3 549 Schtroumpfs, soit bien plus que le précédent record allemand (2 762). Mais voilà : un document manquant dans le dossier a suffi à faire capoter l’homologation. Frustration maximale. Et pour couronner le tout, l’événement s’est tenu à la veille du premier confinement, déclenchant des critiques jusqu’en Italie, certains médias dénonçant une “irresponsabilité bleue”.
- En mars 2023, la météo s’en est mêlée. Pluie battante, rafales de vent… résultat : 231 Schtroumpfs manquants à l’appel. Le record s’est envolé.
“On pensait tout arrêter”, confie Pascal Soun, président de l’association organisatrice Pays de Landerneau-Daoulas. “Mais quand Paramount nous a proposé de relancer l’opération en lien avec la sortie du nouveau film… comment refuser ?”
Un coup de pouce bienvenu d’Hollywood
Car oui, cette année, la force de frappe de Paramount Pictures a clairement aidé. À l’approche de la sortie du film Les Schtroumpfs – Le film (prévu pour le 16 juillet 2025), le studio américain a mis les petits plats dans les grands :
- Campagne de communication sur les réseaux sociaux
- Distribution de 1 200 places gratuites pour une avant-première locale
- Animation musicale avec DJ et artistes costumés
Côté mairie, on a aussi su faire preuve de malice : un arrêté municipal interdisait aux bars de vendre des boissons alcoolisées aux Schtroumpfs pendant la phase de comptage, histoire d’éviter les absents au moment crucial. Un clin d’œil amusé… mais efficace.
Un record mondial, mais surtout un événement fédérateur
Ce qui restera dans les mémoires à Landerneau, ce n’est pas tant le chiffre gravé dans le marbre du Guinness, mais l’ambiance, la fierté, le plaisir simple d’être ensemble.
“C’est totalement décalé, mais ça fait un bien fou. On oublie les mauvaises nouvelles, les tensions du quotidien”, confie Albane, étudiante venue de Rennes, le visage encore taché de bleu.
Ce sentiment de parenthèse enchantée s’est diffusé tout au long de la journée, dans les files d’attente, sur la place du marché, dans les discussions avec les bénévoles. Ce n’est pas tous les jours qu’on partage une bière avec un Schtroumpf costaud et qu’on danse avec le Schtroumpf à lunettes.

Et maintenant ?
Le film des Schtroumpfs devrait relancer l’engouement cet été. Quant à Landerneau, la ville entend bien capitaliser sur ce record pour dynamiser son carnaval annuel et attirer un nouveau public, plus jeune, plus connecté.
Des projets sont déjà en cours : une exposition dédiée à Peyo, un parcours “schtroumpfologique” dans la ville pour les touristes, voire une boutique éphémère aux couleurs de l’univers bleu.
“On ne veut pas juste entrer dans le Guinness. On veut que ça serve à quelque chose pour les habitants, les commerçants, les enfants”, insiste le maire.
Une ville, un peuple bleu, une belle leçon d’optimisme
Au fond, ce record n’a pas seulement été battu. Il a été conquis, avec le cœur, avec l’humour, avec une créativité à la bretonne. Landerneau n’a pas juste fait parler d’elle : elle a rappelé à toute la France — et un peu au monde — que parfois, il suffit d’un pot de peinture bleue et d’un bonnet pour construire un souvenir collectif inoubliable.