Vous avez partagé des photos de vos vacances en 2016 sur Facebook ? Posté des recettes de cuisine sur Instagram ? Échangé des messages dans vos stories ? Toutes ces données, que vous pensiez anodines, pourraient bien nourrir les futurs modèles d’intelligence artificielle de Meta… sauf si vous agissez maintenant.
À partir de ce mardi 27 mai à minuit, Meta commencera à exploiter les contenus publics que vous avez publiés sur Facebook, Instagram et WhatsApp (dans une certaine mesure) pour entraîner son IA maison. Une manœuvre que le groupe justifie par la nécessité de développer des services « plus intelligents », mais qui fait grincer des dents sur le Vieux Continent.
Une IA qui apprend de vos souvenirs numériques
Meta, le groupe dirigé par Mark Zuckerberg, n’a jamais caché son ambition dans la course mondiale à l’IA. Avec son modèle LLaMA et le lancement de Meta AI, l’entreprise cherche à rattraper son retard face à OpenAI ou Google. Et pour alimenter la bête ? Rien de tel que les données produites par ses utilisateurs.
Sont concernés :
- Les photos, publications, commentaires, et légendes que vous avez rendus publics.
- Les pages ou groupes où vous avez interagi.
- Certaines données issues de WhatsApp Business, selon les conditions d’utilisation.
En revanche, les mineurs ne sont pas concernés, et les messages privés ne seront pas inclus dans l’entraînement. Un garde-fou important, certes, mais qui n’efface pas les nombreuses inquiétudes.

Des garde-fous imposés par l’Union européenne
Heureusement, dans ce débat, l’Europe n’est pas restée les bras croisés. Grâce au RGPD (le célèbre Règlement général sur la protection des données), Meta a été contraint d’informer les utilisateurs européens de cette nouvelle politique.
Mais l’entreprise applique ici un principe contesté : celui de « l’intérêt légitime ». En d’autres termes, Meta considère que sa démarche est suffisamment justifiée pour ne pas devoir demander un consentement explicite. Une interprétation du RGPD déjà dénoncée par plusieurs ONG, notamment l’organisation NOYB (« None Of Your Business »), créée par le militant autrichien Max Schrems.
Une action simple… mais urgente
Si vous ne souhaitez pas que vos données soient utilisées à ces fins, bonne nouvelle : vous pouvez dire non. Mais le temps presse. Voici la marche à suivre :
- Rendez-vous dans vos paramètres sur Facebook ou Instagram.
- Recherchez la section Confidentialité > Informations personnelles > Confidentialité de l’IA. ou juste entrez via ce lien.
- Cliquez sur « S’opposer à l’utilisation de mes données ».
- Vérifiez votre adresse e-mail et validez votre demande.
Un e-mail de confirmation vous sera ensuite envoyé. Et voilà, vous êtes à l’abri… ou presque. Car si d’autres utilisateurs interagissent avec vous et n’ont pas effectué la même démarche, certains éléments de vos échanges pourraient quand même être utilisés.
Ce que Meta ne vous dit pas
Ce changement de politique n’est pas anodin. D’abord, parce qu’il implique des milliards de contenus, potentiellement très personnels. Ensuite, parce que cette annonce n’a pas été mise en avant de façon transparente : combien d’utilisateurs savent réellement ce qui est en train de se jouer ?
Beaucoup n’ont même pas remarqué les notifications discrètes glissées dans les paramètres. Et ceux qui les ont vues peinent à comprendre l’enjeu. Difficile, dans ces conditions, de considérer que l’utilisateur agit en pleine connaissance de cause.
Des réactions vives, sur fond de méfiance
Depuis quelques jours, les réseaux sociaux bruissent d’indignation. De nombreux internautes s’indignent : « Ce n’est pas à Meta de décider ce qu’il peut faire de mes photos ! »
Du côté des experts, la vigilance est de mise. La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) rappelle que l’invocation de l’intérêt légitime doit respecter des conditions strictes : objectif clair, nécessité prouvée, et respect des droits fondamentaux. L’autorité française suit l’affaire de près.
Et après ?
Ce n’est qu’un début. D’autres entreprises pourraient suivre la même voie. La frontière entre ce que nous publions volontairement et ce qui est exploité pour alimenter des algorithmes devient de plus en plus floue.
Et si aujourd’hui, ce sont nos données publiques qui intéressent les IA, qu’en sera-t-il demain ? Nos voix ? Nos visages ? Nos comportements ?
Ce que Meta peut et ne peut pas utiliser
Voici un petit tableau pour résumer :
Type de données | Utilisées par l’IA ? | Commentaire |
---|---|---|
Statuts publics Facebook | ✅ | Dès le 27 mai, sauf opposition |
Stories Instagram | ❌ | Pas concernées (temporaire) |
Messages privés Messenger/WhatsApp | ❌ | Jamais utilisés (selon Meta) |
Photos et vidéos publiques | ✅ | Exploitables comme « image + contexte » |
Publications de mineurs | ❌ | Protégées par défaut |