En ce juin 2025, The Alters débarquait sur PC et consoles next-gen avec une promesse rare : proposer une aventure de survie narrative singulière et spéciale, mâtinée de choix moraux, de gestion de base et d’une question existentielle centrale : et si j’avais fait un autre choix ?
Signé 11 bit Studios ( les créateurs de This War of Mine et Frostpunk ) le jeu a séduit par sa proposition forte et son concept brillant. Pourtant, depuis quelques jours, le titre est au cœur d’un débat houleux sur l’usage potentiel de l’intelligence artificielle dans certains éléments de contenu. À la clé : des interrogations légitimes, une absence de communication du studio et un malaise grandissant au sein des joueurs.
Une expérience saluée par la critique
L’univers de The Alters est froid mais fascinant. Le joueur y incarne Jan Dolski, un ouvrier spatial échoué sur une planète hostile, contraint de créer des « alters » , des versions alternatives de lui-même ayant fait des choix de vie différents (médecin, ingénieur, soldat, etc.). Chacun apporte ses compétences uniques pour survivre, gérer la base mobile et réparer une roue géante qui se déplace pour échapper au soleil meurtrier.
La presse n’a pas tardé à encenser le titre :
« Un concept à la croisée de Moon, Frostpunk et Inside… Une gestion de l’histoire où chaque décision nous confronte à notre propre passé. »
« Un équilibre subtil entre science-fiction métaphysique et gameplay exigeant »
« Moi je dirais qu’il a quelques aspect du film Mickey 17 avec Robert Pattinson«
Les mécaniques de duplication, d’interactions interpersonnelles avec ses alters et de gestion des ressources, offrent une expérience immersive et atypique, rarement vue ailleurs. La performance d’Alex Jordan, qui double toutes les versions de Jan, renforce cette cohérence troublante où chaque clone n’est qu’un reflet possible d’un même homme.
L’intelligence artificielle s’invite dans la discussion
Et pourtant, alors que les critiques s’emballaient et que le jeu accumulait les notes positives sur Steam et Metacritic, une voix dissonante s’est élevée sur le réseau social BlueSky. Un certain @vysetron publie une capture d’écran issue du journal de bord du capitaine. Une phrase interpelle :
“Sure, here’s a revised version focusing purely on scientific and astronomical data.”
Une tournure familière. Trop familière. C’est exactement le type de formulation que l’on retrouve dans les réponses générées par des IA textuelles comme ChatGPT. Hasard ou clin d’œil volontaire ? L’affaire aurait pu s’arrêter là, reléguée au rang de détail ou d’easter egg.
Mais les indices se multiplient.

Localisations douteuses et erreurs révélatrices
Dans les jours qui suivent, des joueurs brésiliens rapportent une traduction douteuse de la version portugaise du jeu. Grammaire approximative, formulations incohérentes et surtout « révélation cruciale » une ligne de texte intégrant des balises propres aux modèles de traduction IA. En clair, un paragraphe semble avoir été copié/collé sans même retirer la mention signalant une réponse automatique générée par une IA.
À ce stade, difficile de plaider la coïncidence. L’idée que l’équipe ait utilisé des outils d’IA générative pour remplir ou traduire du contenu commence à prendre du poids.
Le vrai problème : l’absence de transparence
L’utilisation d’IA dans la production de jeux vidéo n’a rien d’illégal en soi. De nombreux studios s’appuient aujourd’hui sur des modèles d’assistance pour les traductions, les textes de codex ou même les effets sonores secondaires. Mais il y a une condition : la transparence.
Et c’est bien là que le bât blesse.
Aucune mention de l’usage d’IA dans la communication officielle d’11 bit Studios. Aucune déclaration publique. Aucun disclaimer sur Steam, pourtant tenu d’afficher clairement si un jeu utilise des contenus générés automatiquement. Un silence radio qui inquiète.
“On peut comprendre un recours ponctuel à l’IA pour des logs ou de la traduction brute, mais pas l’absence totale de déclaration. C’est une question d’éthique professionnelle.” , Un développeur anonyme sur Reddit
Les joueurs sont partagés
C’est le feu sur les réseaux. Certains relativisent : « ce ne sont que des textes annexes, rien de central ». D’autres montent au créneau : « s’ils ont utilisé une IA pour ça, qui nous dit qu’ils ne l’ont pas fait ailleurs ? ». En toile de fond, un vrai débat sur la valeur du travail humain dans la narration vidéoludique.
Et ce débat ne concerne pas que The Alters. Il s’inscrit dans une tendance plus large : la montée progressive de l’IA dans la production de contenu, souvent utilisée par souci d’économie, parfois sans relecture humaine et encore trop souvent sans aucune transparence vis-à-vis du public.
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Que peut (et doit) faire 11 bit Studios ?
Le studio a construit sa réputation sur des jeux éthiques, engagés, souvent porteurs de messages forts (This War of Mine était même inscrit dans les programmes scolaires polonais). Cette crédibilité morale, s’ils veulent la préserver, mérite une réponse claire.
Voici ce que la communauté attend :
- Une prise de parole officielle pour confirmer ou infirmer l’usage d’IA
- Une mise à jour des localisations défaillantes
- Un engagement transparent sur les pratiques de développement actuelles et futures
Faute de quoi, la confiance risque de se fissurer, voire de s’effondrer pour certains fans attachés aux valeurs défendues par le studio.

Verdict du Geek : entre chef-d’œuvre et polémique
The Alters reste une proposition de jeu ambitieuse, brillante sur le fond, audacieuse sur la forme. Mais l’ombre de l’IA, ou plutôt celle du non-dit sur son usage, vient ternir un tableau jusque-là quasi parfait.
En 2025, les joueurs ne s’intéressent plus seulement au gameplay ou aux graphismes. Ils veulent savoir comment un jeu est fait. Par qui. Et avec quels outils. L’époque où l’on pouvait glisser une traduction IA à la va-vite dans une langue secondaire est révolue.
Qu’on le veuille ou non, The Alters est désormais un cas d’école : un jeu qui interroge autant sur les chemins que l’on n’a pas pris… que sur ceux que l’industrie pourrait ne pas devoir prendre.
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