Au 31 août 2025, des biologistes américains testent, à la frontière entre la Californie et l’Oregon, une méthode aussi simple qu’inattendue pour protéger les troupeaux bovins et ovins. Le principe consiste à faire patrouiller la nuit des drones équipés de caméras thermiques et de haut‑parleurs. Dès qu’un loup s’approche du bétail, l’appareil diffuse des sons volontairement dérangeants pour l’animal, de la guitare d’AC/DC à des voix humaines, en passant par une scène de dispute tirée du film « Marriage Story ». Objectif déclaré des équipes sur place: interrompre immédiatement le comportement de chasse, sans blesser ni bêtes ni prédateurs.
Une expérimentation non létale, portée par l’USDA
Le programme est conduit par des spécialistes de la faune du ministère américain de l’Agriculture, l’USDA. Sur le terrain, les drones volent bas, repèrent les silhouettes à la caméra thermique, puis déclenchent une séquence de sons préréglée. Les opérateurs varient les stimuli pour maintenir l’effet de surprise: riffs saturés de « Thunderstruck », grands éclats de voix, bruitages de feux d’artifice ou de coups de feu. Lorsque les extraits préenregistrés ne suffisent pas, le pilote peut même prendre la parole en direct via micro. Selon les chercheurs, l’ingrédient déterminant est la « nouveauté » du stimulus, particulièrement les voix humaines, qui signalent un danger immédiat au loup.
Des résultats visibles sur le terrain
Depuis le lancement des patrouilles de nuit, les scientifiques affirment avoir documenté plusieurs interruptions d’attaques en temps réel, les loups décrochant et s’éloignant dès la diffusion des sons. Dans le sud de l’Oregon, l’expérimentation a été déployée après une série de prédations inhabituelles. Les équipes indiquent que la pression sur les troupeaux diminue nettement les nuits où les drones sont présents. Les autorités californiennes ont d’ailleurs étendu en août les vols de prévention dans la Sierra Valley, une vallée d’élevage où la cohabitation est délicate.
Quand Scarlett Johansson devient une arme sonore contre les prédateurs
Fait surprenant, les chercheurs ont également testé des extraits de films dans lesquels figure l’actrice Scarlett Johansson. L’un des extraits les plus utilisés provient d’une scène intense du film « Marriage Story », où elle engage une dispute verbale avec Adam Driver. Selon les biologistes, la tension dramatique et l’émotion portée par la voix humaine captent immédiatement l’attention des loups, les poussant à fuir. Ce choix, à la fois insolite et redoutablement efficace, souligne l’importance du ton et de l’énergie des sons plus que de leur contenu littéral. Les voix humaines, chargées d’émotion, semblent jouer un rôle clé dans le conditionnement de peur chez ces prédateurs.
Pourquoi cet arsenal sonore fonctionne
Les loups sont des animaux prudents et opportunistes. Ils évaluent en permanence le risque avant d’attaquer. Un son fort, inhabituel, situé au‑dessus d’eux dans l’espace, combiné à une lumière qui les fixe, crée une impression d’imprévisibilité et de présence humaine. Ce cocktail suffit souvent à briser la séquence de chasse, quelques secondes décisives qui permettent au bétail de se regrouper et aux loups de renoncer. Les extraits sonores choisis n’ont rien de magique en eux‑mêmes. C’est leur caractère soudain et humain qui fait la différence.
Une technologie accessible mais perfectible
L’approche a des atouts concrets. Elle est non létale, adaptable à différents reliefs ouverts et mobilisable rapidement au moment critique. Elle présente aussi des limites. Le coût d’un drone suffisamment robuste pour voler de nuit avec caméra thermique et haut‑parleur reste élevé, autour de plusieurs dizaines de milliers de dollars pièce, sans compter la formation des pilotes. L’autonomie des batteries, la météo et la présence de forêts denses réduisent l’efficacité. Enfin, une inconnue demeure: la durée de l’effet. Les canidés apprennent vite. Si les stimuli se répètent à l’identique, ils pourraient finir par s’y habituer.
Les éleveurs entre soulagement et prudence
Les ranchers qui ont accueilli les patrouilles saluent un répit bienvenu. Moins de veilles armées, moins de stress dans les troupeaux, des veaux épargnés. Certains, toutefois, s’interrogent sur la pérennité de la solution et souhaitent des garde‑fous juridiques en cas d’échec répété. Les autorités rappellent que l’outil s’inscrit dans un arsenal plus large: clôtures électrifiées, chiens de protection, veille à cheval, relocalisation de prédateurs dans les cas extrêmes. Là où les mesures non létales échouent, des abattages sont parfois autorisés, ce qui relance à chaque fois la controverse.
Un contexte de retour du loup
Le retour des loups dans l’Ouest américain, amorcé dans les années 1990 après réintroduction à Yellowstone et en Idaho, a ravivé un conflit ancien autour des troupeaux. Après des décennies d’absence, les prédateurs recolonisent prairies et montagnes, y compris le nord de la Californie. Les dommages restent faibles à l’échelle du cheptel total, mais concentrés sur certains comtés. Pour les biologistes, chaque attaque évitée renforce l’acceptation sociale du loup et réduit la tentation de réponses létales.
Ce que disent la science et la pratique
Les premiers travaux publiés sur le « hazing » acoustique par drone montrent que l’ajout de voix humaines accroît fortement l’efficacité dissuasive. Les retours des opérateurs convergent: mieux vaut alterner sons et volumes, éviter les routines et cibler les moments de plus grande activité des loups, souvent entre crépuscule et aube. La clé réside moins dans le choix d’un morceau culte que dans une gestion adaptative, nourrie par l’observation des meutes locales.
Et après
Les équipes sur le terrain veulent maintenant affiner la recette. Densité des patrouilles, combinaisons son et lumière, intégration à d’autres outils de prévention, évaluation économique pour les éleveurs. À terme, si les coûts baissent et la formation se diffuse, cet effarouchement high‑tech pourrait devenir une pratique standard dans les vastes pâturages du Far West. Un compromis pragmatique qui offre une chance supplémentaire à la coexistence entre faune sauvage et élevage.
Petit Bonus
Il y’a 13 ans, nous vous avions parlé du Ver informatique qui était utilisé contre le programme Nucléaire iranien et qui aurait fait jouer du AC/DC à plein volume aux ordinateurs du programme nucléaire iranien.