Il y a des nouvelles qui figent un samedi. Diane Keaton, figure tutélaire de la cinéphilie et muse éternelle des dialogues à la mitraillette, est morte en Californie à 79 ans. La famille a confirmé la disparition de l’actrice, sans détailler les circonstances. Pour toute une génération, elle était Kay Adams dans Le Parrain et Annie dans Annie Hall, deux rôles qui ont redessiné les contours de la femme au cinéma, entre intégrité tranquille et esprit libre.
Ce que Diane Keaton a changé
Une conscience au cœur du crime
Dans Le Parrain, elle entre par la petite porte, presque en retrait, visage clair au milieu des ténèbres. Kay Adams n’est pas seulement l’épouse de Michael Corleone. Elle est l’angle moral qui permet au spectateur de respirer. Keaton impose l’écoute, le doute, la stupeur lucide. Sa dernière scène dans le deuxième volet, regard fermé, est l’une des plus douloureuses sorties de champ de l’histoire du cinéma. Elle ne crie pas, elle souffle froid. Et on comprend que l’amour n’a pas suffi.
Une révolution de la comédie romantique
Avec Annie Hall, Keaton casse la silhouette de l’ingénue. Elle s’habille comme bon lui semble, cravate et gilet, pantalon large, chapeau mou et parle comme on pense, avec les hésitations qui font vrai. Elle donne à la comédie un nerf nouveau, une vivacité qui n’a rien de mignon. Il y a de la mélancolie, beaucoup d’esprit et une musique de New York dans sa voix. L’Oscar de la meilleure actrice en 1978 n’a jamais semblé plus logique.
Une carrière en cinq éclats
- Annie Hall
Le personnage qui porte son surnom dans la vraie vie devient un manifeste. La mode s’empare du look Annie, mais au delà de l’image, il reste un tempo comique d’une précision chirurgicale. Keaton improvise, rebondit, relance. Elle est partenaire et moteur. - Reds
Chez Warren Beatty, elle obtient une nomination à l’Oscar avec un rôle qui prouve qu’elle ne se limite pas à l’ironie brillante. Elle tient l’écran par une intensité dramatique, regard droit, fragilité assumée. - Marvin’s Room
Face à Meryl Streep et Leonardo DiCaprio, elle trouve une justesse bouleversante dans la maladie et l’abnégation. Pas d’effets, une lumière intérieure. - Something’s Gotta Give
Chez Nancy Meyers, elle remet l’héroïne mature au centre. Rire, désir, larme et liberté. Sa scène de larmes devant l’ordinateur est devenue un mème avant l’heure, parce qu’elle y met du vrai. - Le Parrain I et II
Retour au mythe. Kay, c’est la porte d’entrée et la sortie de secours de la saga. Diane Keaton donne une âme civile à l’opéra mafieux.
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Derrière la caméra et ailleurs
Keaton ne s’est jamais contentée d’être filmée. Elle a réalisé Heaven en 1987, documentaire curieux et spirituel sur l’au delà, puis Les Liens du souvenir en 1995, preuve qu’elle aimait déplacer le curseur. Sur les plateaux photo, elle devient elle même un sujet de style. Les vestes qu’elle porte, ses chapeaux, ses pantalons taille haute, tout raconte une idée simple et radicale de la liberté. Elle a aussi publié des livres, restauré des maisons, cultivé un goût précis pour l’architecture et les matériaux. Une artiste totale, sans tapage.
Ce que ses partenaires disent d’elle
Les collègues n’ont jamais caché l’admiration. On loue son humour, sa délicatesse, sa loyauté. Avec Al Pacino, la complicité traverse l’écran. Avec Warren Beatty, elle ose l’ampleur. Avec Woody Allen, elle réinvente le duo de cinéma qui pense plus vite qu’il ne marche. Keaton n’écrasait personne. Elle partageait la lumière.

Pourquoi sa disparition touche aussi la pop culture
Parce qu’elle a prouvé qu’on pouvait vieillir sans disparaître. Book Club et Poms l’ont vue jouer des femmes de son âge, avec une malice jamais dissimulée. Parce que son style a infusé la mode, de la rue aux podiums. Parce qu’elle a mis en scène une célibatitude assumée, loin des normes. Parce que sa voix, légèrement voilée, raconte une Amérique de villes, d’hivers, d’appartements en briques, de dîners qui durent.
10 scènes à revoir ce soir
- Le premier dîner avec Michael dans Le Parrain, où le doute naît.
- La confession muette à la fin du Parrain II.
- Le moment où Annie chante It Had To Be You dans Annie Hall.
- La balade sur les toits, chemise blanche, gilet sombre.
- Le face à face avec Jack Nicholson dans Something’s Gotta Give, restaurant, verre d’eau, piques tendres.
- Les retrouvailles tendues de Marvin’s Room.
- La joute verbale de Manhattan Murder Mystery, ping pong de répliques, pur plaisir de jeu.
- La prise de bec amoureuse dans Play It Again, Sam, Keaton métronomique.
- Les retrouvailles dans Father of the Bride, douceur et panique d’une mère.
- Le plan sur Kay qui se referme, derrière la porte, dans Le Parrain II. Histoire du cinéma.
Son héritage, en une phrase
Diane Keaton laisse l’idée qu’une actrice peut dicter ses règles, écrire sa silhouette, choisir son âge et faire de chaque réplique un petit coup d’éclat. On la pleure, on la regarde, on l’écoute. Et on se dit que la meilleure façon de lui dire merci, c’est de refaire tourner ses films, d’apprendre ses silences et de garder sa liberté.
Biographie éclair
- Naissance: 1946 à Los Angeles, Californie
- Percée: début des années 70, théâtre et cinéma
- Rôle signature: Annie Hall
- Prix: Oscar de la meilleure actrice 1978
- Vie privée: jamais mariée, mère de deux enfants adoptés
- Décès: Californie, à 79 ans
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