La saison 3 de l’anthologie Monstre ( ou Monster en Version originale ) consacre ses 8 épisodes à Ed Gein, figure réelle qui a hanté autant l’Amérique que le cinéma d’horreur. La fin met en scène un twist qui fait réagir: Ed Gein, interné, aurait aidé le FBI à coincer… Ted Bundy. Info, intox, hommage à Mindhunter ou pirouette scénaristique pour conclure en feu d’artifice morbide. On a croisé la série avec l’historique et oui, la réponse est moins spectaculaire que la fiction.
Que raconte cette série phare ?
Monstre ouvre son chapitre Ed Gein en mode chronique poisseuse du Wisconsin des années 50: une mère omniprésente, une maison-musée de l’horreur, un bourg qui préfère ne pas voir. Pendant six épisodes, la série suit la chute d’Ed, jusqu’à son internement. Les deux derniers virent au huis clos mental: médication, entretiens avec des agents fédéraux, visions et fantasmes. Dans ce cadre, la série suggère que Gein serait consulté pour affiner un profil qui mènerait à un certain Bundy. Le show pousse même l’idée jusqu’à laisser Gein s’attribuer une part du mérite quand tombent les flashes d’info.
Cette partie ressemble à une lettre d’amour tordue à Mindhunter: méthode d’entretien, jargon de profilage, allusions à la naissance de la criminologie moderne à l’américaine. Le clin d’œil est appuyé, presque malicieux.
La question qui fâche
Ed Gein a-t-il vraiment aidé à attraper Ted Bundy
Réponse courte: non. Réponse longue: il n’existe aucune trace, ni au FBI ni dans les archives judiciaires, d’un rôle réel d’Ed Gein dans l’identification ou l’arrestation de Bundy. Le profilage a bien existé, les agents pionniers aussi, mais l’implication de Gein dans l’affaire Bundy relève de la fiction. La série joue volontairement avec un point de vue subjectif et un esprit malade: ce que nous voyons est autant vécu que fantasmé, parfois indissociable.
Rappel express du réel côté Bundy
Avant de se transformer en icône du true crime, Bundy a d’abord été confondu par des choses très terre à terre: un contrôle routier, du matériel suspect dans une voiture, puis des identifications et enfin une traque multiétatique jalonnée d’évasions rocambolesques et de nouvelles arrestations. Une survivante, Carol DaRonch, a joué un rôle clé en l’identifiant. Le reste est un empilement de preuves, d’enquêtes locales et d’efforts coordonnés entre polices, bien plus qu’un coup de génie unique offert par un autre criminel.
Monstre : L’Histoire d’Ed Gein - fin expliquée et analyse complète
Pourquoi Monstre invente-t-il ce pont Gein Bundy
Parce que c’est du storytelling. Trois raisons principales.
- Thème
La saison interroge notre voyeurisme et la manière dont on fabrique des monstres collectifs. Rapprocher Gein et Bundy condense à l’écran la naissance d’un imaginaire criminel moderne. C’est un effet miroir entre fiction, médias et histoire. - Point de vue
Les deux derniers épisodes adoptent le regard de Gein. Or le personnage ne distingue plus vraiment ses pensées de la réalité. La série traduit visuellement cette confusion. - Hommage et débat
Le clin d’œil aux méthodes d’entretien popularisées par Mindhunter alimente le dialogue avec les séries qui ont façonné notre grammaire du crime. Que l’on apprécie ou pas, l’intention est claire: inscrire Monstre dans une lignée.

Ce que la série réussit
- Ambiance et direction d’acteurs
Interpréter Ed Gein sans surjouer ni humaniser à l’excès était un numéro d’équilibriste. Le casting habite l’époque et le décor rural avec une précision dérangeante. - Design sonore et image
On est dans une chronique du froid, des silences, des gestes quotidiens qui deviennent menaçants. La mise en scène sait quand reculer et quand suggérer. - Angle méta
En filigrane, Monstre questionne le public lui-même: qu’est-ce qu’on attend d’un récit de monstre réel et pourquoi on y revient.
Là où ça coince
- Sensationnalisme
La tentation d’en rajouter pour choquer existe, surtout quand on connecte artificiellement des figures célèbres. Le risque: flouter la frontière entre pédagogie et spectacle. - Confusion possible
Sans fact-check, difficile pour le grand public de savoir ce qui est avéré. Sur ce point, la série accepte de perdre une partie des spectateurs.
Fact-check en 6 points pour les paresseux
- Ed Gein interné et jugé inapte
Oui. Il a été déclaré pénalement irresponsable pendant des années, diagnostiqué schizophrène, puis maintenu dans des institutions psychiatriques jusqu’à sa mort en 1984. - Le profilage façon Mindhunter existait
Oui. Des agents ont effectivement structuré des entretiens avec des tueurs en série pour mieux lire les récidives et les motifs. L’existence de ces entretiens est documentée, même si la composition des duos et leur périmètre changent selon les époques. - Gein consulté pour Bundy
Non établi. Aucune source historique crédible ne confirme une collaboration Gein FBI liée à Bundy. La série opte pour une liberté romanesque. - Arrestations de Bundy
Multiples et prosaïques: infractions routières, matériel suspect, identifications, puis nouvelle arrestation après évasion. Le mythe s’écrit après coup, pas sur un coup d’éclat unique. - Inspirations cinéma
Gein a nourri des figures comme Norman Bates, Leatherface ou Buffalo Bill. C’est un héritage culturel plus qu’une filiation criminelle directe. - Le clin d’œil Mindhunter
Oui, le final s’amuse avec cette référence. Certains y verront un hommage, d’autres un raccourci un peu appuyé.
Verdict de Geekette
Monstre : L’Histoire d’Ed Gein réussit à planter un décor, une époque et une psyché abîmée avec une maîtrise glaçante. Elle embrasse aussi des choix de fiction qui divisent. Le fameux rapprochement avec Bundy relève de la fable noire, pas du dossier pénal. À regarder en conscience, en gardant une distance critique. Le true crime informe parfois, il fascine souvent, il simplifie aussi. Ici, c’est les trois à la fois.
Monstre : L’Histoire d’Ed Gein est sur Netflix