Entre rediffusions télé, disponibilité en streaming ponctuelle et l’émotion ravivée autour de la carrière de Diane Keaton, l’envie de redécouvrir ce duo au timing comique millimétré n’a jamais été aussi vive. C’est aussi l’occasion de mesurer à quel point ce film marie enquête à l’ancienne et humour new-yorkais, tout en faisant briller Keaton dans l’un de ses rôles les plus attachants.
L’histoire, vue du palier
Larry et Carol Lipton vivent dans un immeuble cossu où chacun se croise sans se connaître. Ils sympathisent avec leurs voisins, Paul et Lillian House. Quelques jours plus tard, Lillian meurt officiellement d’une crise cardiaque. Carol trouve cette disparition trop nette pour être honnête. Paul paraît étrangement peu affecté. Elle se met donc à fouiner, au grand désarroi de Larry, éditeur anxieux, claustrophobe et partisan des soirées tranquilles.
Premiers signaux bizarres : l’incinération expresse de Lillian, l’existence d’une maîtresse plus jeune Helen Moss et un mystérieux projet de départ à l’étranger. Carol enrôle son vieil ami Ted, plus joueur, pour l’aider à débrouiller les fils. C’est alors qu’elle croit voir Lillian bien vivante dans un bus. De filatures en planques, les Lipton remontent jusqu’à un hôtel où la supposée défunte loge sous un faux nom. Ils ouvrent la porte : un corps sans vie. Le temps d’appeler la police : plus rien. Disparu.
L’enquête se précise
À mesure que Carol pousse Larry hors de sa zone de confort, le puzzle se met en place. Le premier décès ne concernait pas Lillian, mais sa sœur venue d’Angleterre, victime d’un accident. Paul et Lillian ont alors choisi de jouer avec l’administration pour toucher l’assurance-vie de Lillian. Pendant ce temps, Lillian s’est volatilisée pour laisser croire à sa mort. Sauf que Paul, lui, a décidé d’aller plus loin : faire disparaître Lillian pour de bon et partir au soleil avec Helen.
Face à la gravité de la situation, Carol, Larry et Marcia Fox — une romancière que Larry suit comme éditeur — montent un faux chantage afin de pousser Paul à se trahir. Le plan dérape : Paul enlève Carol. Larry n’a plus le luxe de l’hésitation.
Explication de la fin
Le climax se joue dans une salle de cinéma où est projetée La Dame de Shanghai. Décor parfait : jeux de miroirs, illusions, silhouettes qui se confondent. Mrs Dalton, l’assistante loyaliste de Paul, se sent trahie par son patron et l’abat. L’engrenage criminel est exposé : fraude à l’assurance, substitution d’identité, disparition mise en scène. Carol est sauvée, Larry se révèle enfin en dépassant ses peurs et la mécanique du mensonge se fracasse sur un dernier coup de feu.
En clair :
- Le premier corps n’était pas celui de Lillian.
- Paul voulait éliminer la vraie Lillian pour fuir avec Helen.
- Le faux chantage de Carol et Larry accélère la chute de Paul.
- Mrs Dalton déclenche la résolution en réglant ses comptes.
La scène des miroirs n’est pas qu’un clin d’œil stylé. Elle thématise l’illusion au cœur du récit : doubles, reflets, visages truqués, vérités fragmentées.
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Ce que ça raconte au-delà du whodunit
Le couple mis à l’épreuve
Le film observe une vie conjugale un peu engourdie que la curiosité de Carol ranime. Elle invente, fonce, perd ses lunettes au pire moment, mais garde le cap. Larry, lui, s’enferme dans ses angoisses. Leur dynamique évolue : elle l’entraîne, il la rattrape quand l’affaire se corse. Résultat : un couple plus vivant qu’au départ.
La curiosité comme moteur
La curiosité de Carol agit comme antidote au ronron quotidien. Elle refuse le récit officiel quand les détails sonnent faux : une incinération trop rapide, un veuf trop léger, une silhouette qui ressemble à la morte dans un bus. C’est l’œil du spectateur qui s’exprime à travers elle.
Humour et tension marchent main dans la main
Le film enchaîne quiproquos, filatures ratées, mensonges improvisés et véritables moments de stress. L’équilibre est précis : on rit parce qu’on a peur que cela tourne mal. La comédie ne désamorce jamais complètement la menace, elle la contourne.
Comment c’est filmé
Caméra nerveuse, New York vivant
La mise en scène privilégie une caméra mobile et des intérieurs étroits qui serrent les personnages. On ressent la promiscuité de l’immeuble, l’effervescence de Manhattan, la précipitation des décisions bancales prises sur un bout de table. La ville est un personnage à part entière : cafés, halls impersonnels, trottoirs qui filent, salles obscures.
Hommages assumés
Au sommet, la séquence finale dialoguant avec La Dame de Shanghai. Miroirs, perspectives trompeuses, silhouettes dédoublées : la vérité se reflète, se diffracte, se perd. L’hommage n’est pas gratuit : il synthétise la thèse du film sur l’apparence et le mensonge.
Portraits des personnages
- Carol Lipton : ancienne pubarde, future restauratrice en puissance, imagination débordante et intuition solide. Elle mène la danse et transforme l’affaire criminelle en renaissance personnelle.
- Larry Lipton : éditeur inquiet, claustrophobe, adepte des précautions. Sa trajectoire de peureux à héros malgré lui donne au final une émotion sincère.
- Paul House : veuf trop lisse pour être honnête. La cupidité et le mépris le rendent dangereux.
- Lillian House : plus complexe qu’il n’y paraît, prise dans une combine qui la dépasse.
- Helen Moss : actrice en devenir, catalyse le fantasme d’une vie neuve qui poussera Paul à franchir la ligne rouge.
- Mrs Dalton : l’ombre fidèle. Sa colère scelle le destin de son patron.
- Ted et Marcia : complices d’enquête, ils donnent au récit son tempo et son humour second degré.
Meurtre mystérieux à Manhattan est en diffusion sur Arte