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Baïkonour fragilisé après un lancement Soyouz réussi : la Russie face au risque d’une pause forcée dans ses vols habités

par KingofgeeK
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Cosmodrome de Baïkonour pas de tir endommagé

Jeudi 27 novembre, le cosmodrome de Baïkonour a vécu une scène à double visage. D’un côté, une fusée Soyouz a quitté la steppe kazakhe à l’heure dite, emportant sans incident apparent trois membres d’équipage vers la Station spatiale internationale. De l’autre, le pas de tir utilisé pour ce décollage est ressorti lourdement endommagé, au point de susciter des doutes sur la capacité de la Russie à poursuivre à court terme ses lancements habités.

Selon l’agence spatiale russe Roscosmos, la mission Soyouz MS-28 a décollé à 10 h 27, heure de Paris, avec à son bord les cosmonautes Sergueï Koud-Svertchkov et Sergueï Mikaïev, ainsi que l’astronaute américain Chris Williams, à destination de l’ISS. Le rendez-vous orbital s’est déroulé comme prévu et le vaisseau s’est amarré sans difficulté au complexe orbital, confirmant une fois de plus la fiabilité du système Soyouz en vol.

C’est au sol que les ennuis ont commencé.


Un pas de tir officiellement « endommagé »

Peu après le décollage, Roscosmos a reconnu que la rampe utilisée à Baïkonour avait subi des dégâts. L’agence évoque des « dommages sur plusieurs éléments » du complexe de lancement, tout en assurant que du matériel de rechange est disponible et que les réparations seront menées « dans les plus brefs délais ».

Dans sa communication, la partie russe insiste sur le caractère « habituel » de certains dommages après un lancement de fusée et rappelle qu’une inspection de la structure est systématiquement réalisée après chaque décollage. L’objectif affiché est clair : rassurer, en laissant entendre qu’il s’agit d’un incident maîtrisé, intégré au cycle d’exploitation normal du pas de tir.

Pourtant, les images qui circulent dans la communauté spatiale et les analyses de sites spécialisés vont plus loin. Des photos prises après le lancement montrent une tour de service fortement touchée, avec des éléments effondrés dans la tranchée d’évacuation des gaz. Plusieurs observateurs évoquent une dégradation bien plus sérieuse qu’un simple écaillage de béton ou la déformation de structures secondaires.


Le site 31/6, maillon unique pour les vols habités russes

Le pas de tir concerné, identifié comme le site 31/6 de Baïkonour, occupe une place très particulière dans le dispositif spatial russe. C’est aujourd’hui le seul pas de tir encore opérationnel pour les missions habitées Soyouz, depuis l’arrêt du mythique site 1, surnommé « Gagarinski Start ».

D’autres pas Soyouz existent bien sur le territoire russe, à Plessetsk ou Vostotchny, mais ils sont dédiés aux lancements de satellites ou de cargos et ne sont pas configurés pour accueillir des équipages. Le site 31/6 est donc le passage obligé pour tout cosmonaute russe en partance pour l’orbite basse.

Roscosmos optimiste

Entre le discours officiel et les analyses indépendantes, un fossé apparaît.

Roscosmos parle de réparations rapides et affirme que les équipements nécessaires sont déjà disponibles dans les réserves techniques. L’agence laisse entendre que la remise en état du site ne serait qu’une question de semaines.

Des spécialistes occidentaux et russes du spatial, eux, se montrent plus prudents. En observant les images qui circulent, certains estiment qu’il ne s’agit plus seulement de maintenance lourde, mais d’une reconstruction partielle du pas de tir, en particulier de la tour de service et des installations situées dans la tranchée de flammes.

Les estimations évoquées vont de quelques mois à plusieurs années de travaux, en fonction de l’étendue réelle des dégâts, de l’état des structures métalliques et des moyens financiers que Moscou acceptera de mobiliser. Dans ce scénario pessimiste, le lancement du 27 novembre pourrait marquer le début d’une longue parenthèse pour les vols habités russes depuis Baïkonour.

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La Russie peut-elle encore envoyer des astronautes en orbite ?

La question, posée de manière très directe par plusieurs médias spécialisés, est désormais au centre du débat.

Sur le plan technique, rien n’indique que la fusée Soyouz elle-même soit remise en cause. La mission MS-28 s’est déroulée de manière nominale, la séparation des étages et la mise sur orbite n’ont pas montré d’anomalie, et l’ISS a accueilli sans incident le trio russo-américain.

En revanche, sans pas de tir disponible, cette fiabilité devient théorique. Tant que le site 31/6 n’est pas de nouveau certifié pour le vol habité, la Russie ne peut pas lancer de nouveaux équipages. Or, les autres cosmodromes russes ne disposent pas encore des infrastructures humaines, médicales et de sécurité nécessaires pour accueillir de tels décollages.

À court terme, Moscou a donc deux options principales :

  • accélérer les travaux à Baïkonour, quitte à réduire les marges de sécurité ;
  • accepter une pause dans ses vols habités, en misant sur la future montée en puissance du cosmodrome de Vostotchny, encore loin d’être prêt pour ce type de missions.

L’ISS, terrain fragile d’une coopération qui survit aux tensions

L’incident de Baïkonour intervient dans un contexte géopolitique où la coopération spatiale entre la Russie et les États-Unis fait figure d’exception. Malgré la guerre en Ukraine et les sanctions, les équipages mixtes à bord de l’ISS ont continué de se relayer, avec des échanges de sièges entre Soyouz et les capsules américaines.

Le lancement du 27 novembre s’inscrivait dans ce cadre : deux Russes, un Américain, un vaisseau Soyouz aguerri, et une station qui demeure l’un des rares projets où les deux puissances collaborent encore au quotidien.

Si le pas de tir reste indisponible longtemps, la Russie perdrait son autonomie d’accès à l’espace pour ses propres cosmonautes et devrait, à terme, négocier des places à bord de véhicules américains. Un scénario délicat politiquement, mais qui pourrait s’imposer comme la seule solution pour maintenir une présence russe à bord de la station.


Un cosmodrome historique mis à l’épreuve du temps

Baïkonour n’est pas seulement un site de lancement. C’est l’un des lieux emblématiques de l’Histoire spatiale mondiale, celui d’où est parti Gagarine en 1961. Depuis, la steppe kazakhe a accueilli des générations de fusées et a vu se réaliser quelques-uns des plus grands exploits du programme soviétique puis russe.

Mais cet héritage repose en grande partie sur des infrastructures vieillissantes. Certaines ont été modernisées, d’autres adaptées, mais la plupart restent soumises à des contraintes extrêmes lors de chaque allumage de moteurs. Les travaux menés ces dernières années ont permis de prolonger l’usage du pas de tir, mais l’incident du 27 novembre apparaît comme un signe que le site approche de ses limites structurelles.


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