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Celle que vous croyez sur Arte : vraie histoire ou pur jeu de miroirs pour Juliette Binoche et François Civil ?

par Geekette
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Celle que vous croyez Arte 2025

Mercredi 3 décembre 2025 au soir, Arte dégaine une nouvelle fois le cinéma d’auteur pour sa case de prime time avec la diffusion de « Celle que vous croyez », drame contemporain signé Safy Nebbou, porté par Juliette Binoche et François Civil. Programmé à 21h sur la chaîne franco allemande, le film a tout du faux fait divers crédible, au point de donner l’impression d’être inspiré d’un dossier brûlant de rubrique « faits de société ».

Et c’est là que la question se pose naturellement pour nombre de téléspectateurs qui découvrent ou redécouvrent le long métrage sur Arte : derrière cette histoire de faux profil, de séduction virtuelle et de mensonges en cascade, y a t il une vraie histoire ?!! un cas réel ?!! une « Claire » en chair et en os qui aurait tout déclenché ?

Spoiler sans spoiler : la réponse est plus subtile qu’un simple oui ou non.


Une héroïne en quête de regard dans un monde ultra connecté

Claire a passé la cinquantaine, elle est professeure de lettres, divorcée, mère de deux garçons. Elle a l’intelligence, la culture, la sensibilité, mais dans son miroir et dans le regard des autres, elle se voit surtout comme « trop vieille » pour les romances fougueuses. Quand son jeune amant Ludo la quitte de manière brutale, elle encaisse le choc comme une déflagration intime.

Blessée, humiliée, elle se glisse sur les réseaux sociaux pour garder un œil sur lui. Geste banal en 2025, presque anodin, mais qui va ouvrir une porte qu’elle ne saura plus refermer. En quelques clics, Claire crée un faux profil, emprunte la photo d’une jolie brune inconnue, se réinvente en « Clara », 24 ans, community manager à la vie forcément plus simple et plus excitante que la sienne.

Ce qui devait être une petite surveillance discrète se transforme en rencontre inattendue : Alex, colocataire et ami de Ludo, tombe sous le charme de cette Clara fantasmée. Derrière l’écran, Claire se laisse prendre au jeu. Les messages s’enchaînent, la voix d’Alex au téléphone devient un rendez vous attendu, les confidences se font plus intimes. La frontière entre ce qu’elle vit réellement et ce qu’elle rêve se brouille, comme si elle glissait peu à peu dans son propre Monde à l’Envers, version réseau social plutôt que laboratoire d’Hawkins. ( Nos articles sur Stranger Things )

Plus elle s’attache à Alex, plus elle s’enferme dans son mensonge. Chaque nouvelle notification est une dose d’adrénaline, mais aussi un pas de plus vers la catastrophe. Le film prend alors des airs de thriller psychologique, où le Démogorgon n’est pas une créature de l’ombre mais la somme des non dits, des messages non envoyés et des visios refusées.

Celle que vous croyez Arte 2025
Celle que vous croyez Arte 2025

Que raconte le film ?!

« Tromperie », « catfishing », faux profils, photos volées… Le scénario parle de choses très concrètes, très contemporaines. Le « catfishing » désigne justement ces arnaques affectives ou émotionnelles, où une personne se crée une fausse identité en ligne pour séduire, manipuler ou abuser d’autrui, souvent via des réseaux sociaux ou des applis de rencontre.

Safy Nebbou s’empare de cette matière moderne et en fait autre chose qu’un simple fait divers numérique. Au lieu de se contenter d’un récit moralisateur façon « attention aux réseaux sociaux », il s’intéresse surtout à ce qui se cache derrière l’avatar : la solitude, le sentiment d’invisibilité, la peur de vieillir, la rage de continuer à plaire, la difficulté à accepter un corps qui change quand la société ne cesse de glorifier la jeunesse.

Le dispositif de mise en scène renforce cette idée de jeu de miroirs. Claire raconte son histoire à une psychiatre, interprétée par Nicole Garcia, comme si elle tentait de dénouer elle même les fils de sa propre fiction intime. Les scènes de conversations virtuelles, de messages, d’appels, sont filmées comme de véritables rencontres amoureuses, avec tension et émotion, alors même que les corps ne se touchent jamais.

Juliette Binoche navigue entre fragilité et détermination, entre honte et désir de reprendre le contrôle, offrant un de ces rôles où elle excelle : une femme complexe, loin des clichés. François Civil, en Alex, apporte une vulnérabilité inattendue à ce jeune homme qui croit tomber amoureux d’une voix, d’un visage, d’une présence en ligne, sans imaginer ce qui se cache derrière l’écran.


Une histoire vraie ?

C’est la grande question qui revient à chaque diffusion : « Celle que vous croyez » est il tiré d’un fait réel, d’un dossier judiciaire, d’une histoire qui aurait défrayé la chronique ?

La réponse est clairement non. Le film est d’abord et avant tout l’adaptation d’un roman. Safy Nebbou s’appuie sur le livre « Celle que vous croyez » de Camille Laurens, publié en 2016. L’auteure y mélange introspection, jeu sur le point de vue et réflexion sur le désir, le tout dans une forme d’autofiction qui entretient volontairement le doute entre vécu et invention.

C’est cette ambivalence qui donne souvent l’illusion d’un récit inspiré de faits réels. Quand un personnage semble aussi plausible, aussi « vrai », le spectateur a spontanément tendance à se dire « ça a forcément dû arriver à quelqu’un ». Mais ni le film ni le roman n’ont été présentés comme l’adaptation d’une affaire authentique ou d’un cas précis. Il ne s’agit ni d’un biopic, ni d’un documentaire, ni d’un « inspiré d’une histoire vraie » tel qu’on le voit affiché en début de certains films.

On est ici sur le terrain de la fiction réaliste, ce qui est très différent. Le scénario fonctionne justement parce qu’il flirte avec le vraisemblable, parce qu’il emprunte au quotidien et aux codes de nos vies connectées, sans reposer sur un événement unique archivé dans un dossier de police.


Là où les choses deviennent plus troublantes, c’est du côté du réalisateur lui même. Safy Nebbou a confié qu’au moment où il travaillait sur l’adaptation du roman, il a vécu une situation étrangement proche de celle de son héroïne : une femme, d’un âge comparable à celui de Claire, aurait créé une fausse identité plus jeune pour entrer en contact avec lui sur les réseaux sociaux.

Selon ses propos, ils auraient échangé pendant plusieurs mois avant qu’il ne découvre le pot aux roses, en réalisant que la personne en ligne utilisait la photo d’une autre pour se présenter. Ce genre de mésaventure n’est hélas pas rare sur Internet, mais ici, la coïncidence avec le sujet du film a de quoi faire lever un sourcil.

Le réalisateur explique d’ailleurs s’être nourri de cette expérience pour affiner certains dialogues, certains échanges virtuels, comme si la vie réelle venait discrètement injecter encore plus de vérité dans une fiction déjà très ancrée dans notre époque.

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Un film discret en salles, mais appelé à devenir un « classique Arte »

Sorti au cinéma en 2019, « Celle que vous croyez » n’a pas affolé les compteurs en salles : un peu plus de deux cent mille entrées en France, un score modeste si l’on tient compte de la présence de Juliette Binoche en tête d’affiche.

Mais comme souvent avec ce type de drame intimiste, la carrière du film ne se résume pas à sa sortie en salles. C’est sur la durée, grâce à la vidéo à la demande, aux plateformes et surtout aux diffusions télé, que le long métrage de Safy Nebbou s’est fait une place. Il fait partie de ces œuvres que l’on redécouvre à la maison, parfois par hasard, en zappant, parfois sur recommandation d’un proche et qui laissent une empreinte durable.

La critique, elle, s’est montrée globalement enthousiaste, saluant la performance de Juliette Binoche, souvent décrite comme l’un de ses plus beaux rôles récents et soulignant l’écriture subtile du film, à mi chemin entre drame sentimental et thriller psychologique sur fond de réseaux sociaux.


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