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La Petite Dernière : une pépite engagée et bouleversante primée à Cannes

par Geekette
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La Petite Dernière

C’était l’un des moments les plus forts du Festival de Cannes 2025. La Petite Dernière, troisième long-métrage de Hafsia Herzi, a décroché vendredi 23 mai la Queer Palm, un prix indépendant saluant les œuvres qui abordent avec justesse les questions LGBTQ+, féministes ou les normes de genre. Si le nom de la réalisatrice n’est plus inconnu, ce film marque un tournant audacieux dans sa carrière : elle s’empare du récit de l’écrivaine Fatima Daas pour en faire un portrait pudique, vibrant et politique d’une jeune femme en quête de liberté et d’identité.

Une histoire intimiste dans une société en tension

Fatima a 17 ans. Elle est la « petite dernière » d’une fratrie de sœurs vivant dans une banlieue populaire d’Île-de-France. Issue d’une famille algérienne musulmane, la jeune fille évolue dans un environnement aimant, mais profondément enraciné dans les traditions religieuses et sociales. Élève brillante, elle entre en licence de philosophie à la Sorbonne, un monde à mille lieues du sien. Et là, tout bascule.

Au contact de nouvelles personnes, de nouveaux codes, et d’une vie étudiante libératrice, Fatima se découvre attirée par les femmes. Une révélation aussi belle que douloureuse, tant elle vient heurter les principes inculqués depuis l’enfance. Peut-on aimer librement quand on a appris à taire ses désirs ? Comment conjuguer foi, famille, et liberté sexuelle dans un pays où les identités multiples sont encore souvent mal comprises ?

Ce sont ces dilemmes, d’une force déchirante, que le film explore sans caricature ni jugement.


Une mise en scène tout en justesse

Hafsia Herzi, révélée actrice en 2007 dans La Graine et le Mulet, réalise ici une œuvre profondément personnelle, même si elle s’inspire du roman autobiographique de Fatima Daas (La Petite Dernière, 2020). La cinéaste s’attache à filmer les silences, les regards, les hésitations, là où d’autres auraient mis des mots en trop.

La caméra, souvent proche des visages, capte l’intimité, la vulnérabilité, mais aussi la force tranquille de Fatima. Il ne s’agit pas de provoquer ou de choquer, mais de donner à voir une réalité trop souvent invisibilisée : celle de jeunes femmes musulmanes, lesbiennes, tiraillées entre plusieurs mondes qui ne se parlent pas.

Herzi ne tombe jamais dans le pathos. Elle préfère la sincérité des détails : un repas de famille plein de rires, un moment volé entre deux jeunes filles, un trajet en RER entre la banlieue et le Quartier Latin. C’est dans ces interstices du quotidien que naît la poésie.


Une révélation : Nadia Melliti

Impossible de parler de La Petite Dernière sans saluer l’interprétation exceptionnelle de Nadia Melliti, 23 ans, qui incarne Fatima avec une intensité rare. C’est son premier rôle au cinéma. Et pourtant, elle habite l’écran avec une authenticité désarmante.

Androgyne, discrète, elle traduit par sa gestuelle, son regard fuyant ou ses sourires retenus toutes les contradictions de son personnage. Elle ne joue pas Fatima : elle est Fatima. La critique ne s’y est pas trompée : sa prestation a été unanimement saluée, et le jury du festival a même évoqué « une révélation sidérante » dans son communiqué.

Sa performance nous rappelle que le cinéma a encore ce pouvoir brut : celui de faire exister des visages nouveaux, des histoires peu racontées, et de faire vibrer une salle entière dans le silence d’une émotion partagée.


Une récompense engagée : la Queer Palm

La Queer Palm, créée en 2010 par le journaliste Franck Finance-Madureira, a pour vocation de montrer les films abordant les thématiques LGBTQ+ dans toutes les sections du festival. Le jury 2025, présidé par le cinéaste Christophe Honoré, a choisi La Petite Dernière pour sa « subtilité narrative, sa délicatesse visuelle et son engagement courageux ».

Le choix n’est pas anodin. En France comme ailleurs, les tensions autour de la visibilité LGBTQ+ dans les milieux religieux, ou des récits de banlieue abordés autrement que par la violence, sont encore bien présents. Le film de Herzi réconcilie, ouvre le dialogue, et donne à réfléchir sans imposer de message militant.

La Petite Dernière
La Petite Dernière

De la littérature au grand écran

Le film s’inspire librement du roman La Petite Dernière, publié en 2020 par Fatima Daas, auteure française d’origine algérienne. Dans ce livre percutant et pudique, elle racontait sa propre expérience : celle d’une jeune femme musulmane homosexuelle qui apprend à vivre avec ses paradoxes. Le livre avait reçu un accueil enthousiaste, tant pour sa force littéraire que pour son originalité dans le paysage éditorial français.

En adaptant ce récit au cinéma, Hafsia Herzi ne trahit pas le texte : elle en propose une lecture sensible, visuelle, incarnée. Une nouvelle manière de raconter ce que vivent ces « entre-deux », ces identités croisées, souvent marginalisées dans les représentations culturelles classiques.


Philosophie, désir et émancipation

Un autre aspect passionnant du film est le rôle de la philosophie. L’entrée à la fac ne symbolise pas seulement un changement de lieu, mais un éveil de l’esprit. Fatima y découvre des penseurs comme Simone de Beauvoir ou Michel Foucault, et commence à interroger les dogmes dans lesquels elle a grandi.

Le film montre que penser, c’est déjà résister. Les discussions entre étudiantes, les lectures, les fêtes nocturnes et les premières amours ne sont pas de simples étapes adolescentes, mais des ruptures fondatrices. On assiste à la naissance d’une pensée critique, celle d’une jeune femme qui ne renie pas ses racines, mais refuse de s’y enfermer.


Sortie en salles et attentes du public

La Petite Dernière sortira en France le 1er octobre 2025. D’ici là, les cinéphiles, les critiques et le public LGBTQ+ trépignent d’impatience. Sur les réseaux sociaux, les premières réactions post-Cannes sont déjà très enthousiastes. De nombreux enseignants et associations ont même exprimé le souhait d’utiliser le film comme support de débat dans les lycées et universités.

C’est sans doute là l’une des forces du film : il dépasse la sphère cinématographique pour devenir un outil de réflexion sociale.

Fiche technique du film

  • Titre : La Petite Dernière
  • Réalisatrice : Hafsia Herzi
  • Actrice principale : Nadia Melliti
  • Scénario : Hafsia Herzi, d’après le roman de Fatima Daas
  • Musique : Amine Bouhafa
  • Photographie : Jérémie Attard
  • Production : Katuh Studio, Arte France Cinéma, June Films
  • Durée : 1h45
  • Genre : Drame
  • Sortie France : 1er octobre 2025

La Petite Dernière est bien plus qu’un film : c’est un miroir tendu à une société en mutation. Avec tendresse, mais sans naïveté, Hafsia Herzi donne la parole à une jeunesse plurielle, tiraillée entre héritage et modernité, désir et foi, solitude et solidarité.

À une époque où les récits minoritaires ont encore du mal à exister, ce film est une respiration, un acte de courage, et une main tendue. À voir, à débattre, à partager.

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