Une détonation impressionnante a secoué le site de Starbase, dans le sud du Texas, dans la nuit de mercredi à jeudi. En cause : l’explosion de Starship 36, l’un des prototypes phares de la fusée géante de SpaceX, lors d’un essai de mise à feu. Un nouveau revers pour Elon Musk et ses ambitions martiennes.
Starbase (Texas) — Il était précisément 23 h 01, mercredi 18 juin, heure locale, lorsque la fusée Starship numéro 36, solidement arrimée à son pas de tir dans les installations de SpaceX à Boca Chica, a été soufflée par une explosion soudaine. L’essai, censé être un test statique de routine, a tourné court, laissant derrière lui une épaisse colonne de fumée et une boule de feu spectaculaire, immortalisée par les caméras de surveillance et les téléphones portables des riverains.
Aucun blessé n’est à déplorer. La zone d’essai avait été préalablement bouclée conformément aux procédures de sécurité. L’entreprise d’Elon Musk, rompue à l’exercice des tests à hauts risques, a assuré que ses équipes « travaillent activement à sécuriser le site de test et ses alentours ».
Un test statique transformé en brasier
Contrairement à ce que les images pourraient laisser penser, le Starship n’était pas destiné à décoller ce soir-là. Il s’agissait d’un essai au sol : les moteurs sont allumés sans quitter la rampe de lancement, permettant de tester leur puissance et leur stabilité sans risque aérien. Dans les faits, l’explosion semble s’être produite avant même l’allumage complet des moteurs, possiblement lors de la phase de pressurisation ou de remplissage des réservoirs cryogéniques.
La scène, particulièrement impressionnante, a été largement relayée sur les réseaux sociaux. On y voit la silhouette massive de la fusée – près de 120 mètres de haut, soit l’équivalent d’un immeuble de 40 étages – s’embraser en une fraction de seconde. La chaleur dégagée était telle que certains capteurs sur place se sont momentanément interrompus.
Un revers de plus dans une série déjà bien entamée
Ce nouvel incident technique vient s’ajouter à une série noire pour le programme Starship. Le 27 mai dernier, soit moins d’un mois auparavant, un vol test avait bien permis à la fusée d’atteindre l’orbite. Mais là encore, le booster Super Heavy – l’étage inférieur de la fusée – avait explosé lors de sa tentative de retour sur Terre. En janvier puis en mars, d’autres vols avaient vu le second étage se désintégrer en plein ciel, provoquant des retombées de débris dans l’océan Atlantique.
« Il n’y a pas d’échec chez SpaceX, seulement des itérations », affirme souvent Elon Musk, fondateur de l’entreprise.
Une maxime qui résume la philosophie de la firme : multiplier les tests, quitte à essuyer des pertes, pour corriger les erreurs en temps réel. Une approche aux antipodes des méthodologies plus prudentes des agences spatiales traditionnelles, comme la NASA ou l’ESA.
Objectif Mars… mais pas sans turbulences
Starship n’est pas une fusée comme les autres. Conçue pour être entièrement réutilisable, elle est censée devenir l’épine dorsale du programme spatial d’Elon Musk. Objectif affiché : Mars. À terme, SpaceX espère pouvoir envoyer des cargaisons, puis des humains, sur la planète rouge. Mais pour cela, il faudra démontrer la fiabilité de l’appareil, encore loin d’être acquise.
Entre-temps, la NASA a confié à SpaceX un rôle clé dans son programme Artemis, notamment pour assurer la dernière phase de l’alunissage lors des missions prévues vers la fin de la décennie. Les États-Unis comptent également sur cette technologie pour des missions militaires sensibles sous contrat avec le Pentagone.
Une cadence de lancements contestée
Ironie du calendrier : début mai, la Federal Aviation Administration (FAA) a donné son feu vert à une augmentation du nombre de vols annuels de Starship, autorisant SpaceX à passer de cinq à vingt-cinq essais par an. Une décision controversée, notamment du côté des écologistes, qui dénoncent l’impact de ces essais répétés sur la faune locale du sud du Texas, notamment dans les zones humides de Boca Chica, classées sensibles.
Des associations avaient même intenté une action en justice en 2023 contre la FAA, estimant que les risques environnementaux étaient sous-évalués. Pour l’heure, aucune entrave juridique ne semble freiner l’élan de SpaceX, qui bénéficie du soutien politique d’une partie du Congrès et d’investisseurs technologiques de premier plan.

Et maintenant ?
L’enquête est en cours pour déterminer les causes précises de cette nouvelle explosion. Il n’est pas certain que cela retarde de manière significative les futurs essais, tant la stratégie de SpaceX repose sur une production en chaîne de prototypes. Ship 37 est déjà en cours d’assemblage. Si les infrastructures de Starbase n’ont pas été endommagées de manière critique, le vol 10 pourrait être repoussé de quelques semaines tout au plus.
Mais cette répétition d’incidents ne manque pas d’éroder peu à peu la crédibilité du projet, notamment auprès des observateurs institutionnels et des partenaires internationaux.
Une fusée qui divise
Le programme Starship fascine mais aussi interroge. D’un côté, l’audace technologique de SpaceX est saluée comme révolutionnaire. De l’autre, les échecs en série alimentent les critiques sur une gestion du risque parfois jugée trop téméraire.
Le rêve d’Elon Musk d’une colonie humaine sur Mars ne cesse de repousser ses échéances, mais chaque test, chaque échec, chaque panache de fumée en est, à sa manière, un jalon. Starship 36 n’ira pas dans l’espace. Mais il aura, comme les autres, participé à l’apprentissage – douloureux – de la prochaine ère de la conquête spatiale.