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La NASA accélère le déploiement d’un réacteur nucléaire sur la Lune, sous pression sino-russe

par KingofgeeK
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Réacteur nucléaire lune NASA

Face à la montée en puissance des ambitions spatiales de la Chine et de la Russie, l’agence spatiale américaine NASA muscle son calendrier lunaire et s’engage sur une trajectoire accélérée pour l’envoi d’un réacteur nucléaire sur notre satellite naturel, d’ici à la fin de la décennie.


La conquête de la Lune n’est plus une simple réminiscence des exploits du XXe siècle. Elle est redevenue un enjeu stratégique, technologique et géopolitique de premier plan. À l’heure où Pékin et Moscou affichent leur volonté conjointe d’installer une base alimentée par l’énergie nucléaire au sud de l’astre sélène à l’horizon 2035, la NASA riposte et dévoile ses ambitions : installer un réacteur lunaire opérationnel d’ici 2030.

Dans une directive officielle datée du mardi 30 juillet et consultée par plusieurs médias américains, l’agence spatiale américaine indique vouloir « agir rapidement » pour répondre à cette montée en pression. Sean Duffy, administrateur par intérim de la NASA et par ailleurs secrétaire au Transport, y affirme qu’un retard américain pourrait coûter cher à l’influence des États-Unis dans l’espace.

« Le premier pays à installer un tel dispositif pourrait revendiquer des zones d’exclusion, ce qui entraverait lourdement notre présence prévue dans le cadre du programme Artemis. »

Cette déclaration, relayée notamment par Politico, résume tout. La nouvelle course à la Lune ne sera pas une balade scientifique. Elle est d’ores et déjà marquée du sceau de la rivalité stratégique entre puissances.


Un besoin vital d’énergie en environnement extrême

Si jamais on envisagerait une présence humaine durable sur la Lune, l’alimentation énergétique constitue l’un des défis techniques les plus ardus. Les panneaux solaires, longtemps privilégiés, montrent rapidement leurs limites dans un environnement lunaire où la nuit peut durer jusqu’à 14 jours terrestres. Pire encore, certaines zones d’intérêt , notamment le pôle sud lunaire, cible principale des futurs alunissages , restent dans l’ombre de façon permanente.

D’où l’intérêt d’un petit réacteur nucléaire. Silencieux, compact, fiable, il pourrait assurer une production continue d’électricité, quelles que soient les conditions de luminosité ou de température. La NASA ambitionne ici un réacteur capable de générer au moins 100 kilowatts d’électricité ; l’équivalent de la consommation d’une soixantaine de foyers américains. Un jalon importnt pour maintenir en fonctionnement des modules habités, des laboratoires, des antennes de communication, voire des systèmes de recyclage de l’eau et de l’air.

Le projet s’appuie sur les premiers succès du programme expérimental Kilopower, initié en 2018 en collaboration avec le Département de l’Énergie. Les essais au sol du prototype KRUSTY (Kilopower Reactor Using Stirling Technology) avaient alors permis de produire 1 kilowatt de puissance de manière autonome pendant plusieurs heures. Une première mondiale.


Une réponse directe aux avancées de l’axe Pékin-Moscou

L’accélération américaine ne doit rien au hasard. Elle intervient cinq mois seulement après l’annonce conjointe de la Chine et de la Russie autour de la création de la future Station internationale de recherche lunaire (ILRS). Cette coopération, officialisée dès 2021 mais récemment relancée, prévoit l’établissement d’un avant-poste scientifique habité sur la Lune dans la décennie 2030. Un réacteur nucléaire y est également prévu pour assurer l’autonomie énergétique de la base.

Dans ce contexte, Washington redoute non seulement de perdre la main sur le leadership scientifique, mais aussi de voir émerger des revendications territoriales implicites. Bien que le traité de l’espace de 1967 interdise toute appropriation souveraine des corps célestes, certains experts craignent qu’un pays puisse décréter des zones interdites autour de ses infrastructures « pour des raisons de sécurité ». Une telle évolution, même implicite, changerait la donne juridique et diplomatique sur la Lune.


Le programme Artemis en ligne de mire

Le retour des Américains sur la Lune s’inscrit donc dans le cadre du programme Artemis, lancé en 2017 sous l’administration Trump. Après plusieurs reports, le calendrier prévoit désormais une mission habitée (Artemis III) en 2027, suivie d’un établissement permanent sur la surface lunaire dans les années qui suivent.

Le réacteur nucléaire ferait donc partie intégrante de cette infrastructure. Il viendrait compléter d’autres dispositifs, comme le module d’habitat Gateway, la fusée lourde SLS ou le vaisseau Orion, pour composer un véritable écosystème lunaire pérenne.

Pour concrétiser cette ambition, la NASA prévoit de lancer un appel d’offres industriel dans les deux mois à venir. Les entreprises intéressées devront proposer des designs compacts, résistants aux radiations et capables d’être assemblés dans des conditions lunaires. Le calendrier est serré : le premier prototype pourrait être testé sur Terre dès 2027, pour une installation sur la Lune avant la fin de la décennie.


Défis financiers et politiques

Si l’ambition est claire, le chemin à parcourir reste semé d’embûches. L’agence spatiale américaine fait face à une pression budgétaire croissante. Des réductions de personnel ont été annoncées en interne, avec près de 2 000 postes menacés. De quoi faire craindre à certains une déstabilisation des équipes techniques, au moment même où les projets critiques s’accumulent.

Par ailleurs, l’incertitude politique américaine pèse sur la continuité de ces grands programmes. Donald Trump, de retour en campagne, s’est montré à plusieurs reprises sceptique face à l’intérêt de retourner sur la Lune. Il a suggéré une priorité directe vers Mars, un point de vue en partie influencé par Elon Musk, patron de SpaceX. Reste à savoir si la récente brouille entre les deux hommes, couplée à la pression stratégique croissante, suffira à réorienter durablement la vision spatiale américaine vers notre satellite naturel.


Une Europe attentive

L’Europe, partenaire majeur du programme Artemis via l’ESA, suit de près l’évolution de la situation. Le module de service du vaisseau Orion est construit en grande partie en Allemagne et plusieurs entreprises françaises participent à la conception de composants spatiaux pour les futures missions lunaires.

Le CNES, tout comme l’Agence spatiale européenne, pourrait être amené à collaborer à terme sur les technologies énergétiques, voire à développer des solutions nucléaires européennes pour soutenir ses propres missions de longue durée. Une perspective qui nécessitera, toutefois, un débat politique et technologique à l’échelle continentale.


Un pari risqué, mais nécessaire

La décision de la NASA marque une inflexion stratégique majeure. En relançant un programme nucléaire spatial ambitieux, les États-Unis entendent reprendre l’initiative dans une course à la Lune désormais ouverte et multilatérale. Ce pari, risqué sur le plan financier, délicat sur le plan diplomatique, pourrait pourtant s’avérer décisif dans la structuration du paysage spatial des décennies à venir.

Car au-delà de la science, ce sont des enjeux de souveraineté, d’influence et d’indépendance technologique qui se jouent sur la surface grise de notre satellite. Et dans cette nouvelle guerre froide d’altitude, l’énergie nucléaire semble bien être la clé.

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