Coup de tonnerre dans l’univers des deux-roues. En commission des Finances, une mesure récemment adoptée vise à placer certaines motocyclettes dans la catégorie des « biens de luxe » et à leur appliquer un taux de TVA majoré à 33 %. La disposition, intégrée au projet de loi de finances pour 2026, cible précisément les motocyclettes dont la cylindrée dépasse 450 cm³, une borne qui provoque instantanément incompréhension et colère chez de nombreux motards.
Un amendement qui rompt avec la logique du terrain
Le texte, porté par des députés du groupe La France Insoumise, a été adopté en commission le 22 octobre 2025 et figure aujourd’hui parmi les amendements examinés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026. Son objet : faire contribuer davantage « les biens de luxe » à l’effort public, en appliquant un taux de TVA similaire à celui déjà prévu pour certains produits très haut de gamme.
Sur le papier, l’argument avancé est simple : taxer plus lourdement les biens à forte marge et à caractère ostentatoire pour redresser les comptes publics. Dans la pratique, la sélection d’un seuil fixé à 450 cm³ soulève des objections immédiates. Beaucoup de machines dépassant cette cylindrée ne sont ni rares ni hors de portée financière pour une large part des acheteurs ; elles servent aussi de moyens de transport quotidiens et non seulement de symboles de luxe.
La filière moto déjà fragilisée
La mesure tombe dans un contexte délicat pour le marché français des deux-roues. Les chiffres publiés cet été et à l’automne montrent une tendance baissière qui touche plusieurs segments : immatriculations en recul, ventes de neuf à la baisse et pression accrue sur les marges des distributeurs. Les professionnels observent une érosion de la demande qui s’est accentuée au cours de l’année 2025. Une augmentation de la TVA sur une partie significative du parc risque d’amplifier cette contraction.
Concrètement, une hausse de la TVA se traduit par une augmentation mécanique du prix final payé par l’acheteur, à moins que les constructeurs et les concessionnaires absorbent la différence, ce qui semble improbable dans un marché déjà sous tension. Certains modèles « milieu de gamme », très répandus et utilisés au quotidien, se retrouveraient ainsi pénalisés pour des raisons purement administratives.
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Le seuil de 450 cm³ provoque l’indignation
La définition retenue pour qualifier le « luxe » pose problème. La cylindrée seule n’est pas un indicateur fiable de la valeur réelle d’un véhicule ni de sa place sociale. Des motos de 500 cm³ peuvent se vendre à des tarifs modestes et être l’outil de mobilité principal d’un foyer. À l’inverse, il existe des modèles hautement personnalisés, bardés d’équipements et vendus bien au-delà des standards, qui relèvent réellement du luxe mais qui n’ont pas besoin d’un seuil généralisé pour être identifiés fiscalement.
Cette imprécision a provoqué des réactions vives dans le milieu : associations de motards, revendeurs, petites entreprises de formation et utilisateurs quotidiens pointent une mesure ressentie comme injuste, arbitraire et déconnectée des usages.

Réactions et acteurs concernés
Les organisations représentatives des usagers ont rapidement pris position. Des collectifs et associations ont dénoncé une stigmatisation des motards, estimant que l’effort fiscal est mal ciblé et risque de frapper des ménages modestes qui ont investi pour se déplacer ou vivre leur passion. Les professionnels de la filière appellent quant à eux à la prudence : une surtaxe trop forte pourrait accélérer la chute des ventes et fragiliser des points de vente déjà précaires.
Côté politique, l’adoption en commission ne préjuge en rien de la suite. Pour qu’une telle mesure entre en vigueur, elle devra survivre aux débats en séance publique, puis au passage au Sénat et enfin à la navette parlementaire qui peut l’amender, la rogner ou la supprimer. Les prochains jours seront déterminants : auditions, amendements de repli et arbitrages gouvernementaux sont attendus.
Conséquences :
- Pour les acheteurs : la facture d’achat pourrait augmenter sensiblement pour les modèles concernés. Selon le niveau de marge des concessionnaires et la stratégie des fabricants, tout ou partie de la hausse pourrait être reportée sur le consommateur.
- Pour les professionnels : baisse de compétitivité, renégociation des marges, pression sur les petites structures (concessions indépendantes, écoles de conduite et réparateurs).
- Pour le marché : risque d’accentuation du repli des immatriculations de motos neuves et d’un basculement vers le marché de l’occasion ou vers des machines de cylindrée inférieure au seuil.
Il faut aussi garder en tête un effet de seuil : une différence de quelques centimètres cubes suffirait à faire basculer une moto d’un régime fiscal à un autre, ce qui créerait une distorsion difficile à justifier économiquement.
Vers quel compromis « Raisonnable » ?
Si l’objectif affiché est la justice fiscale et l’augmentation des recettes, il existe d’autres leviers plus ciblés et plus lisibles que la simple limitation par cylindrée. Par exemple, une taxation liée au prix catalogue, à la puissance fiscale ou à des critères d’émissions et d’équipements de confort permettrait de distinguer réellement les produits luxueux des véhicules utilitaires ou d’accès. Un barème gradué selon la valeur réelle et l’usage paraîtrait plus cohérent et moins punitif.
