Au premier regard, cela ressemble à une mauvaise blague de geek. Dans certaines boutiques spécialisées en informatique aux États-Unis, la mémoire vive n’est plus affichée avec un prix fixe. Elle est vendue au prix du jour, comme un poisson sur l’étal. Les vendeurs demandent désormais aux clients de passer en caisse ou au comptoir pour connaître le tarif exact de la barrette de RAM qu’ils tiennent en main.
Derrière cette scène presque surréaliste se cache une réalité beaucoup plus large : la mémoire est devenue l’un des nerfs de la guerre technologique. Et en 2025, la facture explose carrement.
Une hausse historique en 2025
Depuis le début de l’année, les professionnels du secteur observent une envolée des tarifs qui ne ressemble pas à un simple cycle habituel. Les prix contractuels de la DRAM, la mémoire utilisée dans nos PC et serveurs, ont bondi d’environ 170 % en un an. Sur certains kits de DDR5 grand public, les hausses constatées dépassent largement les 80 à 100 % en quelques mois seulement, avec des stocks qui fondent comme neige au soleil.
Pour les joueurs ou les créateurs qui montent leurs machines, la différence est brutale : un kit de 32 Go qui se négociait à un prix encore raisonnable au printemps coûte aujourd’hui parfois près du double. Dans le haut de gamme, les kits de 64 Go affichent des tarifs qui flirtent désormais avec ceux des cartes graphiques de milieu de gamme.
Cette flambée ne touche pas que les particuliers. Les fabricants de PC, de serveurs, de smartphones ou de consoles de jeu voient eux aussi leurs coûts grimper, ce qui se répercutera surement sur tout le monde de le tech .
L’IA, LE grande responsable
La cause principale est connue et assumée : l’explosion de l’intelligence artificielle. En l’espace de trois ans, les dépenses mondiales d’équipements pour data centers ont plus que doublé, portées par les serveurs dédiés au calcul IA qui engloutissent processeurs, cartes accélératrices et surtout mémoire.
Les grands acteurs du cloud et de l’IA commandent des quantités gigantesques de DRAM classique, de DDR5 serveur et de mémoire à très haut débit. Les usines tournent déjà à pleine capacité. Lorsque vient le moment d’arbitrer, les fabricants privilégient naturellement les contrats les plus lucratifs : ceux des data centers, pas ceux des barrettes pour PC de bureau.
Résultat :
- une part croissante des lignes de production est réservée aux puces destinées aux serveurs IA
- la mémoire pour le grand public devient une variable d’ajustement
- les prix de la RAM pour PC suivent la même logique que n’importe quelle matière première en tension
Samsung, SK Hynix, Micron
Le mouvement est clair du côté des fabricants. Les grands noms de la mémoire ont réduit leurs investissements ces dernières années, dans un marché qui sortait d’une période de surcapacité. Quand l’IA a explosé, la demande est repartie à la verticale alors que les usines, elles, n’étaient pas dimensionnées pour un tel choc.
Aujourd’hui, certaines entreprises profitent de leur position dominante pour relever les prix de manière très agressive. Des hausses importantes ont été rapportées, avec des modules de 32 Go DDR5 dont le tarif a bondi en seulement quelques semaines.
Les analystes parlent de plus en plus de supercycle de la mémoire : une période prolongée pendant laquelle la demande structurelle reste très supérieure à l’offre, en particulier pour la DRAM et la mémoire flash utilisées pour les SSD. Plusieurs dirigeants du secteur anticipent déjà une pénurie durable qui pourrait se prolonger au moins jusqu’en 2027.
Les serveurs privent le grand public
Ce qui se joue actuellement va au delà d’une simple tension ponctuelle. Le marché subit un véritable effet d’éviction : la mémoire destinée aux serveurs IA chasse progressivement la mémoire grand public des chaînes de fabrication.
La DDR4, toujours très présente dans les PC de particuliers, se retrouve progressivement reléguée et produite en moindre quantité. Même la DDR5 pour PC de bureau n’est plus prioritaire quand une même ligne peut fabriquer des puces bien mieux rentabilisées dans un data center.
Jeux vidéo, consoles, PC : la facture grimpe
Pour nous les pauvres joueurs, le choc est double. D’un côté, la RAM système devient plus chère. De l’autre, toute la chaîne des composants graphiques est elle aussi sous pression, car les cartes graphiques haut de gamme utilisent énormément de mémoire vidéo ( Mon article sur les 8Go de RAM suffisants pour Pc devient carrement obsolete, puisque aujourd’hui, les 16 Go deviennent limite limite )
Les fabricants de GPU, déjà confrontés à la hausse du coût de la mémoire, pourraient répercuter une partie de cette flambée sur leurs prochains modèles. Certains rapports évoquent même l’arrêt progressif de certaines références pour concentrer les ressources mémoire sur les cartes les plus rentables.
Les consoles ne sont pas épargnées. L’architecture des dernières générations repose sur de grosses quantités de mémoire unifiée. Lorsque le prix des puces grimpe, la marge des constructeurs se rétrécit. À défaut d’augmenter immédiatement le tarif public, ils peuvent être tentés de réduire les promotions, de retarder certains bundles ou de repousser des révisions matérielles.
Pour les joueurs PC, la conséquence est simple : monter aujourd’hui une configuration équilibrée avec 32 Go de DDR5 coûte nettement plus cher qu’il y a un an et la bascule vers 64 Go pour les usages lourds devient un investissement lourd, parfois aussi lourd que l’achat d’un nouveau processeur.
Ca va durer combien de temps ?
À court terme, les perspectives ne sont pas très favorables.
Tous les signaux pointent vers :
- une demande en mémoire dans les data centers toujours en pleine ascension
- des contrats de production déjà réservés très en avance par les géants du cloud
- une industrie qui hésite à surinvestir dans de nouvelles usines par crainte d’un retournement brutal après la vague IA
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