« Je ferai le minimum, sans état d’âme. » Voilà le genre de répliques que vous entendrez dès les premières minutes de Les Dossiers oubliés ou Dept. Q en VO, la nouvelle série policière disponible depuis ce 29 mai sur Netflix. Une phrase qui résume à merveille l’état d’esprit de Carl Morck, un flic fracassé par la vie, relégué à un placard poussiéreux du commissariat. Et pourtant, de ce placard naît une des séries les plus intrigantes de l’année.
Un flic largué, une affaire classée et un passé qui refait surface
Carl Morck, c’est l’archétype du flic qu’on adore détester. Interprété par un Matthew Goode glaçant de justesse, il incarne un enquêteur aussi talentueux qu’insupportable. Depuis une bavure dramatique qui a coûté la vie à un collègue, Carl n’est plus que l’ombre de lui-même. Sa hiérarchie, soucieuse de l’écarter sans le virer, l’envoie exhumer de vieux dossiers — ceux dont plus personne ne veut entendre parler : des meurtres non résolus, des disparitions troublantes, des cold cases classés sans suite.
Mais un dossier va réveiller quelque chose en lui : la disparition inexpliquée de Merritt Lingard, une procureure brillante, ambitieuse et glaciale, disparue sans laisser de trace. Pas de corps, pas de piste… jusqu’à maintenant.

Une enquête qui sent le soufre et la pluie d’Édimbourg
La série prend place à Édimbourg, une ville rarement aussi bien filmée. Ses ruelles sombres, ses vieux murs qui suintent l’humidité, ses toits de pierre battus par la pluie… On s’y croirait. Ce cadre écossais, loin du Danemark originel des romans, donne à la série une ambiance gothique unique, à la frontière du polar scandinave et du thriller psychologique britannique.
On est très vite happés par le décor autant que par l’intrigue. Les lumières froides, le rythme lent mais pesant, les non-dits… Les Dossiers oubliés ne cherche pas l’esbroufe. Ici, pas de poursuites en voiture ou d’explosions à tout va. On est dans la tension psychologique pure, celle qui monte lentement mais sûrement, jusqu’à faire craquer les nerfs des personnages comme des spectateurs.
Un trio d’enquêteurs atypiques mais attachants
Morck ne travaille pas seul. Il est flanqué d’un binôme inattendu : Akram, son assistant d’origine syrienne, mystérieux et taciturne, mais terriblement efficace. Puis Rose, une analyste au caractère bien trempé qui apporte une touche d’humanité à cette équipe de cabossés. Le trio fonctionne à merveille, à la fois dysfonctionnel et complémentaire.
Leur relation évolue au fil des épisodes, avec des dialogues ciselés, parfois grinçants, souvent émouvants. C’est là que la série brille : elle ne tombe jamais dans la caricature. Chaque personnage, même secondaire, a une histoire, des fêlures, une épaisseur.

Un thriller noir, nerveux, profondément humain
Adaptée des romans du danois Jussi Adler-Olsen (la saga Les enquêtes du Département V), Les Dossiers oubliés réussit le pari de traduire l’essence du polar scandinave tout en le réinventant. L’atmosphère est sombre, mais jamais désespérée. La violence est présente, mais jamais gratuite. Les rebondissements sont nombreux, mais toujours crédibles.
On retrouve d’ailleurs des parallèles évidents avec d’autres séries d’espionnage ou d’enquête comme Slow Horses sur Apple TV, où les héros sont tout sauf héroïques, mais où l’intelligence narrative fait toute la différence.
Le passé de Merritt Lingard : un labyrinthe de mensonges
L’affaire qui occupe la saison 1 — la disparition de Merritt Lingard — se révèle être un puzzle bien plus complexe qu’il n’y paraît. Chaque épisode apporte son lot de révélations et de fausses pistes, jusqu’à un final tendu à l’extrême. On en apprend davantage sur Merritt, interprétée avec froideur et intensité par Chloe Pirrie (The Crown, Black Mirror…), une femme aussi brillante qu’énigmatique, au passé chargé de secrets.
Mais attention, ici, les gentils ne sont pas forcément innocents et les coupables ne sont jamais complètement monstrueux. La série joue sur les nuances morales avec une finesse rare.
Une réalisation sobre et élégante
Aux commandes : Scott Frank, à qui l’on doit Le Jeu de la dame. Sa patte est reconnaissable : construction lente mais précise, personnages fouillés, esthétisme soigné. Rien n’est laissé au hasard. Il parvient à adapter une œuvre scandinave sans trahir ses origines, tout en l’ouvrant à un public international.
Chaque épisode dure une heure, mais le rythme ne faiblit jamais. Le suspense est maîtrisé, les dialogues percutants. Et cette manière qu’a la série de distiller ses informations au compte-gouttes… un vrai plaisir pour les amateurs d’enquêtes retorses.

Une série qui appelle une suite… et vite
La série se termine sans tout révéler. Certains arcs narratifs restent ouverts, comme pour mieux préparer une saison 2. Et franchement, on en redemande. Entre l’écriture brillante, les performances solides et cette ambiance si particulière, Les Dossiers oubliés a tout pour devenir une série culte du genre.
En résumé
Pourquoi il ne faut pas passer à côté
Si vous aimez les thrillers psychologiques, les séries où l’on creuse la psyché des personnages autant que l’intrigue, Les Dossiers oubliés est fait pour vous. C’est une série exigeante, mais jamais ennuyeuse. Loin des séries trop formatées, elle ose une narration plus européenne, plus introspective, mais ô combien efficace.
Préparez le plaid, le chocolat chaud, les Chips et laissez-vous embarquer dans les méandres de cette enquête aussi glaçante que passionnante.