INNOVATION – Finies les contorsions du cou pour lire un menu ou regarder la télévision. Une startup européenne développe des lunettes capables de faire le point automatiquement, en s’adaptant à la direction du regard. Une promesse qui pourrait bien révolutionner le quotidien des presbytes.
Paris – Dans un marché de l’optique saturé de solutions plus ou moins convaincantes pour corriger la presbytie, une innovation venue du nord de l’Europe pourrait bien changer la donne. La société finlandaise IXI (prononcer « Ixi ») travaille actuellement sur des lunettes intelligentes, capables d’ajuster automatiquement la mise au point grâce à des capteurs embarqués et des verres à cristaux liquides.
Un concept digne de la science-fiction ? Pas tout à fait. Soutenue par des fonds d’investissement prestigieux, dont l’Amazon Alexa Fund, IXI promet une paire de lunettes aussi légère que des montures traditionnelles, mais bardée de technologie. Le tout, sans que cela ne soit visible à l’œil nu.
« Notre objectif est simple : offrir une vision nette, à toute distance, sans contrainte ni compromis esthétique », affirme Niko Eiden, fondateur d’IXI et ancien ingénieur chez Nokia.
Le regard comme seul curseur
Le fonctionnement repose sur de minuscules capteurs infrarouges dissimulés dans la monture. Ces derniers détectent les mouvements oculaires et mesurent en temps réel la distance de l’objet observé. L’information est ensuite transmise aux verres, composés de cristaux liquides capables de modifier leur courbure en moins de 0,2 seconde.
Une prouesse technique, sachant que l’œil humain met en moyenne 0,4 seconde pour ajuster naturellement la focale. « Chez les personnes atteintes de presbytie, ce mécanisme s’affaiblit avec l’âge, ce qui rend notre solution encore plus pertinente », souligne Eiden.
Un marché gigantesque… mais réglementé
Le potentiel commercial est considérable. En 2024, selon une étude de GlobalData, plus d’un milliard de personnes dans le monde étaient concernées par des troubles de la vision liés à l’âge. Pourtant, les solutions actuelles – verres progressifs, bifocaux ou lunettes de lecture – restent insatisfaisantes pour beaucoup.
À l’inverse, la technologie d’IXI ambitionne de proposer une seule et unique paire capable de tout faire : lire un SMS, regarder la télévision ou conduire de nuit, sans changer de lunettes ni incliner la tête.
Cependant, avant d’arriver sur le marché, le dispositif devra passer par une batterie de certifications médicales. En Europe, les verres correcteurs de nouvelle génération sont considérés comme des dispositifs médicaux de classe IIa ( Comprendre Les classes de dispositifs médicaux ) , ce qui implique des contrôles stricts sur la sécurité, la précision optique et la durabilité des composants.

Financement record, concurrence accrue
IXI a récemment levé 36 millions de dollars pour finaliser le développement de son produit. Parmi les investisseurs figurent des noms prestigieux de la tech européenne et américaine, signe de la confiance placée dans le projet.
Mais l’entreprise n’est pas seule sur ce créneau. La startup lyonnaise Laclarée travaille depuis 2016 sur des lunettes à focalisation variable, tandis que le japonais Vixion commercialise déjà un modèle fonctionnel… mais bien plus volumineux. À la différence de ses concurrents, IXI mise sur la discrétion et la simplicité d’usage.
« Notre ambition n’est pas de créer une montre connectée pour le visage, mais une vraie paire de lunettes, que vous oublierez de porter tant elle est naturelle », insiste Ville Miettinen, directeur technique.
Autonomie, confort, fiabilité : les défis qui restent
L’un des points sensibles reste l’autonomie de la batterie. Alimenter les capteurs, le microprocesseur embarqué et les verres actifs nécessite de l’énergie. IXI promet deux jours d’utilisation en moyenne, avec un rechargement via un petit connecteur USB-C dissimulé dans la branche.
Autre défi : la résistance aux chocs, à l’humidité et à l’usure du quotidien. Le verre liquide, aussi réactif soit-il, doit résister aux contraintes mécaniques et aux températures extrêmes.
Enfin, se pose la question du prix. Bien que IXI ne communique pas officiellement de tarif, certains analystes évoquent un produit positionné autour des 1 000 à 1 500 euros, soit dans la fourchette haute du marché optique. Un coût qui pourrait être partiellement pris en charge si le dispositif est reconnu comme médical.
Vers des lunettes véritablement intelligentes ?
Au-delà de la correction visuelle, les ingénieurs d’IXI planchent déjà sur de futures fonctions : adaptation automatique à la luminosité ambiante, filtrage de la lumière bleue, voire intégration de fonctionnalités audio.
Si toutes ces promesses sont tenues, l’autofocus oculaire pourrait devenir un standard incontournable dans les années à venir, au même titre que les smartphones dans les années 2000.
En attendant une commercialisation attendue à partir de fin 2026, la startup poursuit ses tests cliniques en Finlande et a déjà séduit plusieurs grands distributeurs européens.
Une innovation au service du confort
Si la technologie parvient à convaincre les professionnels de santé, la fin des lunettes à multiples foyers pourrait bien être en vue. Une seule paire, pour toutes les distances et une vision naturelle retrouvée. Pour des millions de Français, ce serait un soulagement au quotidien.