La saison pose une question simple en apparence: les monstres naissent ils ou sont ils fabriqués par leur environnement et par ce que la culture leur renvoie. Avec Ed Gein, la réponse est inconfortable. L’isolement, la domination toxique d’Augusta, la mère et l’imaginaire qu’il absorbe sont le mélange qui va fissurer puis casser l’homme. La mise en scène insiste sur un détail dérangeant: la voix d’Ed, presque enfantine, comme une enveloppe qu’il met pour correspondre à l’idée que sa mère aurait voulu de lui. Le corps est adulte, la voix reste prisonnière.
« On ne naît pas monstre. On le devient. Ou… on le regarde trop longtemps à la télé. »
Cet article contient des révélations majeures sur l’intrigue et la fin de la série.
Que raconte l’épisode final ?
Dans la dernière ligne droite, Ed est interné et affaibli. Son unique fenêtre vers le monde reste son imaginaire. La série matérialise ça par son poste radio et par des visions qui le confrontent à ses obsessions. On retrouve alors trois axes qui s’entrelacent.
- Le renoncement
Adeline revient, sirène ou souvenir et lui promet de poursuivre l’œuvre. Pour la première fois, Ed ne cherche plus à être suivi. Il lui demande d’arrêter. C’est une brèche morale minuscule mais décisive. Il ne se rachète pas. Il cesse simplement d’alimenter le feu. - La procession des héritiers
Dans un couloir presque onirique, défilent les figures que son histoire a inspirées dans la culture populaire. Ce ballet est glaçant parce que la série nous montre un Ed satisfait du sillage qu’il laisse. Au lieu de la honte, un sourire. L’horreur n’est pas décorative, elle est réflexive. - Le dernier rendez vous avec Augusta
Sur son lit de mort, Ed rejoint mentalement sa mère. La phrase qui tombe alors résume tout ce qu’on vient de voir: l’amour mal orienté peut ravager et l’enfant façonné par cette matrice n’a jamais vraiment grandi. La boucle se ferme sur un regard qui cherche une bénédiction que personne ne devrait désirer à cet âge.
Enfin, un clin d’œil morbide clôt la saison: l’attirail funèbre autour de la tombe d’Ed et l’obsession de certains pour l’artefact. La série suggère que le culte du crime finit toujours par contaminer la réalité.
Qui est le monstre au juste
La série ne blanchit pas Ed. Elle le replace dans une constellation plus large.
- Ed reste l’auteur d’actes irréparables.
- Augusta est l’architecte d’un psychisme abîmé.
- La société du spectacle et notre curiosité insatiable pour le morbide participent à la fabrication des mythes.
- Le public devient un miroir. À force de regarder, on finit par entrer dans le cadre.
Ce regard partagé est le vrai électrochoc du final. On ne nous dit pas seulement que les monstres existent. On nous rappelle que nous participons à leur légende.

Adeline: présence réelle ou mirage utile
La série entretient volontairement l’ambiguïté. Dramatiquement, Adeline joue le rôle de complice imaginaire possible, de témoin et de tentatrice. Emotionnellement, elle est la seule corde tendue vers une vie normale. Dans le final, la scène du refus d’Ed fonctionne justement parce qu’elle est prise entre ces deux lectures. Qu’elle soit réelle ou non, elle incarne le choix qu’il aurait pu faire depuis longtemps.
Hitchcock, Norman Bates et les autres
Le montage parallèle autour d’Alfred Hitchcock et du tournage d’un thriller fondateur permet d’illustrer l’onde de choc culturelle d’Ed. Ce n’est pas qu’un tueur devenu matière à fiction. C’est un point de bascule: le monstre du cinéma n’est plus une créature gothique. C’est un voisin poli avec une clef sur le comptoir. La série déroule ensuite le fil vers d’autres œuvres, de la peau et du masque, jusqu’aux danses d’un autre personnage mythique. Ce n’est pas du name dropping gratuit, c’est une cartographie du traumatisme.
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Diagnostic, responsabilité et nuance
En plongeant Ed dans le cadre médical, la saison s’autorise une discussion rarement menée correctement dans les fictions criminelles. Le diagnostic psychiatrique ne gomme pas la culpabilité. Il la contextualise. Le final fait naître une idée simple et terrible: si l’intervention avait été plus précoce, le monstre aurait il trouvé une autre trajectoire. La série n’absout pas. Elle interroge. C’est pour ça que la dernière vision ne donne pas un apaisement complet. On est soulagé qu’Ed ne pousse pas Adeline à l’imiter, mais on comprend qu’il goûte malgré tout sa propre légende.
Vrai, faux, recomposé
- L’attirance de la série pour l’iconographie de l’horreur moderne est documentée. Les rapprochements avec le motel, la peau et la tronçonneuse ne sont pas des inventions sorties de nulle part, même si la fiction accentue certains liens pour la dramaturgie.
- Le personnage d’Adeline s’inspire d’un nom réel, mais les certitudes historiques autour d’elle restent minces. La série l’assume et l’utilise comme levier émotionnel.
- Le final qui convoque les avatars culturels d’Ed n’est pas un simple écriteau. Il résume le propos: notre imaginaire a avalé cette histoire et ne l’a plus jamais recrachée intacte.

Mise en scène et interprétations
Charlie Hunnam compose une présence qui disparaît presque dans le décor. La voix, la démarche, le regard au sol, tout raconte un homme qui se dissout. Laurie Metcalf fait d’Augusta un fantôme vivant. Tom Hollander incarne un cinéaste en orfèvre du contrôle. Et la galerie de seconds rôles habille les gris de Plainfield avec des touches de rouge émotionnel pile quand il faut. On est souvent au bord de l’insoutenable, sans sensationnalisme inutile. La série est dure parce que le sujet l’est.
Verdict de Geekette
La fin est cohérente avec la thèse d’ensemble. Pas de gros retournement artificiel. Pas de morale plaquée. Un constat froid et une dernière marche gravie vers une mère, comme si tout avait commencé et fini là. C’est glaçant, pertinent , mais surtout, ça nous renvoie la question que l’on n’aime pas se poser. Qu’est ce qu’on fabrique quand on regarde.
C’est donc une fin dérangeante… mais nécessaire
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