Alors que l’accès à Internet reste encore inégal sur notre planète, un nouveau prétendant entre en scène pour changer la donne. Ce lundi 28 avril 2025, Amazon a franchi une étape décisive dans sa course à la connectivité universelle : le lancement des 27 premiers satellites de son ambitieux Projet Kuiper. Une initiative colossale, à la hauteur du géant du e-commerce, qui entend rivaliser avec Starlink, le service déjà bien implanté de SpaceX et sans concurrent sérieux jusqu’à … maintenant.
Mais qu’est-ce que le Projet Kuiper ? Quels sont ses objectifs, ses promesses et ses enjeux ? Voici une analyse complete de cette nouvelle aventure spatiale qui pourrait bien redéfinir l’accès à Internet dans les années à venir.
Une ambition claire : connecter les zones blanches
Lancé en 2018, le Projet Kuiper (prononcez Kaï-per et pas Kɥi-per) a été pensé comme une solution aux « zones blanches » — ces territoires encore déconnectés du réseau mondial. Montagnes reculées, îles isolées, zones rurales mal desservies… là où la fibre optique ou la 4G n’arrivent pas, Amazon souhaite déployer une alternative : une constellation de satellites en orbite basse.
Contrairement aux satellites géostationnaires classiques, les satellites en orbite basse (LEO) évoluent à environ 630 km d’altitude. Résultat : une latence plus faible et un débit plus rapide. C’est cette technologie qu’Amazon a décidé d’exploiter, à l’instar de SpaceX et de sa célèbre constellation Starlink.
Premier vol réussi : une étape symbolique et stratégique
Le lancement du 28 avril 2025 marque officiellement le début du déploiement à grande échelle. C’est depuis la base spatiale de Cape Canaveral, en Floride, que la fusée Atlas V 551 de la société ULA (United Launch Alliance) a décollé, emportant à son bord les 27 premiers satellites opérationnels du programme.
Un vol inaugural qui survient quelques mois après les deux satellites prototypes, KuiperSat-1 et KuiperSat-2, envoyés en octobre 2023. Cette fois, on entre dans le concret. Les engins placés en orbite commenceront bientôt leurs tests pour établir les premières connexions.
Bon et Comment ça fonctionne concrètement ?
Le principe est relativement simple sur le papier : des satellites en orbite basse transmettent des signaux vers des terminaux installés chez les utilisateurs. Ces terminaux – souvent comparés à des antennes paraboliques miniatures – permettent de capter le signal et de diffuser Internet à domicile ou en entreprise.
Amazon a conçu trois modèles de terminaux pour répondre à différents besoins :
- Terminal standard : moins de 30 cm de côté, jusqu’à 400 Mbps de débit. Coût estimé : <400 $.
- Version compacte : ultra-léger (450 g), 18 cm de côté, jusqu’à 100 Mbps. Idéal pour les zones rurales et les utilisateurs nomades.
- Terminal haut débit : destiné aux professionnels, capable d’atteindre 1 Gbps.
Tous ces équipements intègrent une puce baptisée Prometheus, développée en interne par Amazon. Ce composant assure à la fois la gestion du trafic, la connectivité point à point et le traitement des données. Une approche “maison” qui rappelle les stratégies de la firme avec ses produits comme l’Echo ou le Fire TV.
Objectif : desservir la planète entière
Avec 3 236 satellites prévus au total, la couverture sera progressivement étendue à la planète entière. Si tout se passe comme prévu, Amazon espère proposer un service fonctionnel d’ici fin 2025 dans certaines régions, avant une extension mondiale en 2026-2027.
Amazon ne cache pas son ambition : il s’agit de créer un réseau mondial aussi accessible que performant. L’entreprise prévoit également d’implanter des stations relais terrestres, un maillage technique crucial pour orchestrer la gestion du trafic et la communication avec les satellites.
Combien ça va coûter ?
Pour l’instant, Amazon n’a dévoilé ni tarifs précis, ni formule d’abonnement. Néanmoins, l’entreprise promet de rendre le service “abordable” entre guillemet hein !! — un mot qui revient systématiquement dans la communication autour du projet. L’approche semble s’inspirer des modèles économiques de ses produits d’entrée de gamme : réduire les marges pour conquérir des parts de marché. On aura peut être un Internet Basics à la façon Amazon Basics.
Si l’on se base sur les offres de la concurrence, Starlink propose par exemple son abonnement à partir de 75 €/mois en France (hors coût de l’équipement, autour de 450 €). Amazon pourrait viser plus bas, afin de séduire un large public, notamment dans les pays émergents.
Kuiper vs Starlink : les géants de l’espace s’affrontent
Le duel est fascinant : d’un côté, Elon Musk et SpaceX, qui comptent déjà plus de 7 000 satellites en orbite. De l’autre, Jeff Bezos, qui mise sur la puissance logistique d’Amazon et sur AWS pour soutenir l’infrastructure.
Les avantages de Starlink :
- Anticipation du marché, déjà actif dans des dizaines de pays.
- Contrôle total sur les lancements grâce à la flotte SpaceX.
- Expérience utilisateur déjà éprouvée.
Les atouts d’Amazon :
- Capacité de production à grande échelle.
- Intégration aux services AWS pour les entreprises.
- Ambition de casser les prix pour démocratiser l’accès.
Reste que le retard de Kuiper pourrait coûter cher. La FCC américaine impose à Amazon de mettre en orbite au moins la moitié de sa constellation d’ici juillet 2026. Un délai serré, qui oblige l’entreprise à multiplier les lancements dans les mois à venir.
Une avancée technologique, mais aussi sociale
Au-delà de la technologie, le Projet Kuiper soulève de véritables enjeux sociétaux. Dans de nombreuses régions du monde, l’accès à Internet reste un luxe. Écoles, hôpitaux, petites entreprises, communautés rurales : tous pourraient bénéficier d’une connexion stable et rapide.
Amazon évoque aussi des partenariats avec des ONG et des gouvernements pour équiper des zones en difficulté. Une manière de soigner son image… mais aussi de s’implanter sur des marchés encore inexploités.
Et après ?
Si le déploiement se passe sans accroc, Amazon pourrait devenir un acteur incontournable de la connectivité mondiale. L’entreprise ne cache pas son intention de tirer parti de cette infrastructure pour développer d’autres services : objets connectés, streaming, cloud, voire sécurité ou télécommunications d’urgence.
La conquête de l’espace est plus que jamais une affaire de data, de débits, et d’influence. Et dans cette bataille silencieuse entre orbites et ondes, Kuiper pourrait bien être l’arme secrète d’Amazon.
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