King of Geek » « L’Amie prodigieuse » : que vaut la saison 4 diffusée à partir de ce lundi ?

« L’Amie prodigieuse » : que vaut la saison 4 diffusée à partir de ce lundi ?

par Geekette
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L’Amie prodigieuse saison 4

On se souvient tous de 2018 : l’adaptation des romans d’Elena Ferrante arrivait avec la réputation intimidante des “intouchables” de la littérature contemporaine. Sept ans plus tard, le doute n’a plus lieu d’être. L’Amie prodigieuse boucle son parcours avec L’Enfant perdue, quatrième et dernière saison et livre un final d’une cohérence rare, à la fois ample et intime, romanesque et rugueux. C’est la conclusion qu’on espérait, celle qui respecte la cruauté et la tendresse des livres sans les trahir, tout en assumant pleinement le langage de la série.

Un dernier mouvement plus grave, plus lucide

Le récit nous ramène à Naples au tournant des années 1970-1980. Elena, désormais écrivaine reconnue et mère, revient dans sa ville natale après une séparation qui la laisse à vif. Lila, elle, n’a jamais vraiment quitté le quartier. Elle s’y est construite en autodidacte, en cheffe de file, en électron libre : la même intelligence foudroyante, les mêmes colères souterraines. Les trajectoires se recroisent, comme toujours et la série confirme ce qu’elle manie le mieux : l’ambivalence. L’amitié de Lenù et Lila n’est ni un refuge, ni un poison ; c’est un moteur. Un lien instable qui les pousse à se dépasser autant qu’à se déchirer.

Cette saison fait glisser la fresque sociale vers une tonalité plus crépusculaire. Les soubresauts politiques des années 1960-70 restent en arrière-plan ; au premier plan, la pression mafieuse devient une ombre portée sur chaque décision, chaque risque, chaque espoir. Sans fusillades ni clichés : la menace se lit dans les silences, les regards qui se détournent, les opportunités trop belles pour être honnêtes. L’écriture garde ce sens de la nuance qui caractérise l’univers Ferrante : ici, la violence ne se montre pas, elle s’insinue.

Changement de visages, même vertige

Le pari du recasting était casse-cou. Il est remporté. Alba Rohrwacher reprend Elena avec une justesse troublante : le phrasé, la posture, la façon de laisser passer à travers les fissures de l’assurance publique les doutes privés, tout sonne vrai. Elle incarne une Lenù prise entre la reconnaissance littéraire, l’exposition médiatique et le vertige intime d’une femme qui n’est jamais tout à fait à sa place.

Face à elle, Irene Maiorino ne cherche pas la copie conforme de Lila : elle en capture l’énergie nerveuse, l’arrogance fière, les fêlures qu’elle refuse d’avouer. Sa Lila parle parfois peu, mais chaque plan suggère une capacité d’analyse fulgurante, presque mathématique, du monde qui l’entoure. Quand ces deux-là se retrouvent, on a le sentiment, très physique, d’un courant qui passe ; attirance, rivalité, admiration, jalousie. C’est la matière première de la série : pas la grande Histoire, pas même l’ascension sociale, mais la tectonique d’un lien qui ne cesse de se reconfigurer.

L’écriture, la maternité, le prix de l’émancipation

L’un des grands atouts de L’Enfant perdue est de ne jamais scinder le personnel et le politique. Elena écrit, Elena aime, Elena élève ses filles, Elena retourne à Naples : chaque choix a un coût. La saison observe ce prix de l’émancipation avec une lucidité parfois cruelle. La réussite n’annule pas la culpabilité, ni la difficulté de tenir ensemble les rôles qu’on nous colle à la peau et ceux qu’on choisit pour soi.

Lila suit une voie parallèle : la sienne est plus pragmatique, plus physique. Elle invente, organise, négocie, se protège. Elle ne répond pas aux codes, elle les tord. La série la filme comme une tacticienne ; pas un symbole figé. Et quand l’imprévu frappe (vous savez de quoi je parle si vous avez lu les romans), la mise en scène refuse la grandiloquence. On ressent la sidération du réel, la sidération des corps.

“Terremoto” : le fracas et l’après

Sans rien divulgâcher, un épisode pivot met Naples sens dessus dessous. Pavés disloqués, poussières en suspension, immeubles qui vacillent : le décor vacille à l’unisson des héroïnes. Le tremblement de terre devient une métaphore transparente de la relation Lenù/Lila ; deux strates qui bougent, qui se heurtent, qui s’éloignent parfois jusqu’à se perdre de vue. L’épisode insiste moins sur l’effet “catastrophe” que sur l’onde de choc : comment on vit après, comment on continue, quelles failles restent ouvertes.

L’Amie prodigieuse saison 4
L’Amie prodigieuse saison 4

La patte de Laura Bispuri : l’intime en plan serré

Ce final a une texture visuelle à part. La réalisation privilégie les gros plans et les espaces resserrés, comme si la caméra cherchait la vérité des visages avant le pittoresque des ruelles. On est à Naples, oui, mais une Naples vécue, pas carte postale. Le son travaille le hors-champ : portes qui claquent, chuchotements dans des cages d’escalier, coassements d’une cour intérieure. L’ensemble forme une matière presque sensorielle, au service des émotions, jamais au-dessus.

La direction d’acteurs suit cette ligne : retenir plutôt que démontrer. Là où d’autres sagas finalisent à coups de grands monologues et de larmes cathartiques, L’Amie prodigieuse demeure fidèle à sa pudeur. Cette sobriété donne une densité documentaire aux moments les plus douloureux. On ne nous dit pas quoi sentir ; on nous place devant des êtres humains qui tentent de continuer.

Naples, personnage à part entière

La série a toujours traité la ville comme un organisme vivant. Cette saison le confirme : amphithéâtres de béton, appartements trop petits pour contenir des familles trop grandes, bars où l’on sait qui entre et qui sort. Les lieux évoluent, les codes sociaux avec. Plusieurs scènes montrent comment l’argent , « légal, illégal, mêlé » se superpose aux ambitions des personnages, sans jamais réduire Lila ou Lenù à des pions sur l’échiquier local.

Le quartier d’enfance, lui, reste une force d’attraction. Il attire et il immobilise, il protège et il étouffe. C’est l’un des gestes les plus puissants de la série : comprendre que l’origine n’est pas un flash-back, mais une force active qui modélise le présent.

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Épisodes marquants (sans spoiler)

  • La séparation installe un ton de désillusion douce-amère : pas de rupture nette, mais des liens qui se détendent et se retendent au gré des dépendances affectives.
  • Les compromis examine la négociation permanente qu’exige la vie adulte : couple, travail, amitié, tout y passe.
  • L’enquête et La disparition déplacent la série vers le territoire du drame intime, où le mystère ne vient pas d’indices à collecter mais de ce qu’on refuse de se dire.
  • La restitution, enfin, referme la boucle avec un geste qui, sans chercher l’effet choc, reste longtemps après le générique.

Pourquoi ça fonctionne (encore) ?

Parce que le show n’a jamais cédé aux tentations les plus faciles des adaptations “prestige”. Pas de sacralisation de la littérature, pas de surlignage thématique, pas de sentimentalisme hors sujet. Il y a, au contraire, une confiance dans la complexité des personnages et une musicalité dans le montage : des scènes brèves, d’autres qui s’attardent, des retours sensoriels (un motif sonore, un escalier, une paire de chaussures) qui relient les saisons entre elles.

Et puis il y a cette idée simple : filmer les femmes au centre. Pas comme des héroïnes exemplaires, ni comme des victimes, mais comme des êtres contradictoires qui avancent en trébuchant. C’est ce qui donne à cette saison sa mélancolie, mais aussi sa vitalité.

Verdict de Geekette :

S’il fallait résumer : une dernière saison d’une beauté austère, qui choisit l’authenticité plutôt que l’esbroufe et ménage des scènes d’une intensité peu commune. Les changements de casting sont réussis, la mise en scène assumée, l’écriture fidèle à la rudesse des livres. On ne regarde pas L’Amie prodigieuse pour se rassurer ; on la regarde pour retrouver ce frisson de vérité que seule une grande série sait provoquer.

Faut-il regarder ? Oui, absolument , surtout si vous avez accompagné Lenù et Lila jusqu’ici. Et si vous découvrez la saga, cette saison 4 n’a pas peur de vous prendre en route : elle vous donnera envie de remonter le fil, jusqu’aux débuts, pour mesurer tout ce qui s’est joué entre ces deux amies.

Regarder L’Amie prodigieuse sur Canal+


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