Le débat budgétaire pour 2026 a pris, ces derniers jours, une nouvelle tournure politique. Les députés du Parti socialiste ont déposé un amendement destiné à introduire une version allégée de la taxe dite « Zucman », une mesure qui vise à garantir une imposition minimale des très hauts patrimoines. Ce texte, présenté au cœur de l’examen du projet de loi de finances, tente d’imposer un compromis entre justice fiscale affichée et précautions économiques invoquées par les uns et les autres.
C’est quoi cette version « Light » ?
Le dispositif déposé par le groupe socialiste ne reprend pas à l’identique la proposition originelle formulée par certains parlementaires et économistes. Plutôt que d’appliquer un impôt plancher étendu, l’amendement propose un mécanisme plus ciblé, visant à instituer un impôt minimum sur les patrimoines très élevés, tout en excluant explicitement certaines catégories d’actifs ou de structures ; notamment les entreprises familiales et les entreprises qualifiées d’innovantes. L’objectif affiché est double : limiter les marges d’optimisation fiscale des très gros portefeuilles et préserver l’activité productive.
Cette version « light » se présente comme une tentative de concilier les attentes de la gauche en matière de justice fiscale et les craintes économiques exprimées par d’autres forces politiques. Les contours exacts de l’assiette et du taux restent débattus en commission, mais le principe d’un impôt plancher ou d’une contribution minimale sur les patrimoines élevés est au centre de la manœuvre.
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Réactions parlementaires : scepticisme et vigilance
L’amendement socialiste n’a pas tardé à susciter des réserves, y compris au sein de la majorité parlementaire. Perrine Goulet, députée du groupe Les Démocrates (MoDem), a exprimé publiquement ses réticences, jugeant difficile d’accepter une mesure qui maintiendrait, selon elle, l’imposition sur certains biens professionnels tout en ajoutant un nouvel impôt. Elle a souligné le risque que représenterait une telle charge supplémentaire pour la stabilité des entreprises, déjà confrontées à un niveau de prélèvements élevé.
Du côté du gouvernement, la prudence demeure. L’exécutif rappelle que la protection des biens professionnels et le maintien de l’attractivité économique figurent parmi ses priorités lors des arbitrages budgétaires. Sur le plan technique, Bercy souligne la difficulté d’évaluer précisément les actifs non cotés et les mouvements de patrimoine susceptibles d’amoindrir le rendement d’une telle mesure.
Quelles recettes et quels effets ?
L’un des points clefs du débat porte sur le rendement attendu. Les estimations disponibles varient fortement selon les hypothèses retenues. Des études et analyses parlementaires publiées ces derniers mois indiquent que le produit d’un impôt plancher ambitieux sur les très grandes fortunes pourrait être significatif, mais que toute exonération ou aménagement notable réduit immédiatement le montant mobilisable. Des simulations prudentes convergent vers un rapport de recettes modestes si l’assiette est largement réduite par des exclusions.
Autre incertitude : la réaction des contribuables visés. Si des mécanismes d’optimisation ou de délocalisation existent, le rendement réel pourrait être inférieur aux prévisions. En revanche, certains économistes estiment que la marge de fuite serait limitée si le cadre juridique et les contrôles sont renforcés et coordonnés au plan international. Le débat technique est donc loin d’être clos.
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Patrimoine productif versus patrimoine financier
La ligne de fracture politique se dessine dans la façon de distinguer patrimoine productif et patrimoine financier. Les promoteurs de la mesure jugent nécessaire d’imposer une contribution minimale aux ménages les plus riches afin de corriger des inégalités patrimoniales jugées excessives. Les opposants mettent en garde contre toute imposition qui frapperait les activités économiques et l’investissement, notamment lorsque des biens professionnels sont intégrés dans l’assiette. C’est précisément cette question des biens professionnels et des holdings patrimoniales qui alimente les débats actuels à l’Assemblée.
Le gouvernement a par ailleurs soumis à l’étude une taxation ciblée des holdings patrimoniales au-delà d’un seuil élevé d’actifs, afin de lutter contre le contournement fiscal. L’amendement socialiste et les propositions gouvernementales devront s’articuler ou s’affronter selon les arbitrages parlementaires à venir.
Enjeux politiques ?
Pour le Parti socialiste, l’initiative est autant politique que fiscale. Déposer cet amendement au moment de l’examen du budget permet de replacer la question de la contribution des plus fortunés au centre du débat public et de tester les marges de négociation au Parlement. Pour l’exécutif, c’est une contrainte supplémentaire alors qu’il cherche à tenir un fragile équilibre budgétaire sans fragiliser l’économie.
Sur le terrain parlementaire, le sort de la « taxe Zucman light » dépendra des alliances et des concessions consenties. L’adoption d’une version atténuée ne mettrait pas définitivement fin aux débats. Au contraire, elle pourrait ouvrir une série de discussions techniques sur l’assiette, le taux, les mécanismes anti-contournement et la coordination européenne ou internationale nécessaire pour limiter l’exil fiscal.
