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Grand Central : quand l’amour de Léa Seydoux et Tahar Rahim flirte avec la radioactivité

par Geekette
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Grand Central - Film

Il y a des films qui vous restent sous la peau sans que vous sachiez trop pourquoi. Grand Central fait partie de ceux là. Sorti en 2013, le deuxième long métrage de Rebecca Zlotowski revient régulièrement sur les écrans français, notamment à la télévision, où il a encore été diffusé récemment en prime time, preuve que cette romance atomique n’a rien perdu de sa puissance auprès du public.

Dans ce drame à la fois sensuel et social, Léa Seydoux et Tahar Rahim incarnent deux amants brûlés de l’intérieur, pris au piège d’un lieu de travail aussi dangereux qu’invisible : une centrale nucléaire de la vallée du Rhône. Le résultat tient autant du mélo amoureux que du film sur le monde ouvrier, avec une tension qui ne retombe quasiment jamais.


Un décor rarement montré au cinéma français

Grand Central suit Gary, jeune homme sans qualification particulière, qui décroche un job dans une centrale nucléaire via une société sous-traitante. Sa mission : entrer dans les zones les plus irradiées pour nettoyer, décontaminer, surveiller la fameuse dose que son corps peut supporter avant de devenir lui même un déchet humain. Ce quotidien de travailleurs précaires, logés dans des mobile homes et envoyés au front radiologique, s’inspire du roman La Centrale d’Élisabeth Filhol, qui décrivait déjà le sort de ces ouvriers de l’ombre.

Là où le livre se concentrait surtout sur les conditions de travail, Zlotowski ajoute un motif romanesque fort : une histoire d’amour interdite entre Gary et Karole, la fiancée d’un de ses collègues. La radioactivité n’est alors plus seulement un risque professionnel, elle devient la métaphore d’un sentiment qui contamine tout sur son passage.

La centrale, filmée comme un monstre de métal, de vapeur et de procédures, n’est jamais réduite à un simple décor. C’est un personnage à part entière, qui impose ses règles, ses alarmes stridentes, ses combinaisons étanches et qui rappelle en permanence que le danger n’est jamais très loin. Certains critiques ont d’ailleurs parlé d’une tragédie populaire, où le destin des personnages se joue à la fois dans leurs gestes au travail et dans leurs choix amoureux.


Léa Seydoux et Tahar Rahim

Si le film marque si bien, c’est aussi grâce à son casting. Tahar Rahim, quelques années après le choc d’Un prophète, trouve ici un rôle à sa mesure. Gary est un garçon qui arrive sans repères, mais qui apprend vite. Il a ce mélange de douceur et d’inconscience qui le rend immédiatement attachant. On sent dans son regard que tout, chez lui, fonctionne à l’instinct.

Face à lui, Léa Seydoux campe Karole, jeune femme plantée au milieu du campement comme une héroïne de roman photo, jogging moulant, sandales, cigarette toujours prête. Elle est officiellement avec Toni, colosse taiseux interprété par Denis Ménochet, mais son regard trahit très vite une envie d’ailleurs. Seydoux joue sur une palette de nuances très fines : Karole peut être vulgaire, drôle, dure, puis soudain fragile, presque enfantine, quand elle laisse tomber le masque.

Le duo Seydoux-Rahim fonctionne à plein régime. Les scènes où ils se retrouvent en cachette, dans les herbes hautes ou dans une barque à la dérive, ont une intensité presque physique. La réalisatrice les filme de près, dans des cadres serrés, comme pour capter chaque souffle, chaque hésitation. Plusieurs critiques françaises ont salué cette alchimie, parlant d’une fresque sentimentale portée par deux comédiens au sommet de leur art.

Grand Central - Film
Grand Central – Film

Un triangle amoureux sous haute tension

Le film repose sur une structure simple mais redoutablement efficace : Gary, Karole, Toni. Plus Gary monte en compétence à la centrale, plus il prend sa place parmi les gars de l’équipe, plus sa relation avec Karole devient dangereuse.

Toni, lui, n’est pas un simple rival caricatural. Il porte le poids du groupe, plus âgé, plus expérimenté, conscient de la réalité du métier et de ce que les doses accumulées signifient pour leur avenir. Quand il rit avec Gary, on se demande à quel moment tout va basculer.

La force de Grand Central est de ne jamais céder au thriller pur. Oui, il y a de la tension, des risques d’accident, des alarmes qui se déclenchent et des protocoles à respecter au millimètre. Mais ce qui serre le ventre, ce n’est pas seulement la peur de la fuite radioactive. C’est la jalousie, la trahison, le sentiment d’être pris au piège, autant dans la vie sentimentale que dans le travail.


Rebecca Zlotowski, entre romantisme et réalisme social

Avec ce deuxième long métrage, Rebecca Zlotowski confirmait déjà le ton très particulier de son cinéma : un mélange de romantisme assumé et de regard politique sur la société française. Elle s’intéresse aux corps, aux liens de groupe, aux communautés qui se créent en marge.

Dans Grand Central, elle filme les ouvriers comme une petite tribu soudée par les risques qu’elle partage. Il y a les repas arrosés, les plaisanteries parfois lourdes, les soirées passées à faire la fête pour oublier ce qui les attend le lendemain. Mais il y a aussi le poids de la hiérarchie, les visites médicales, la musique métallique de Rob qui donne au film une atmosphère à la fois sensuelle et inquiétante.

On retrouve dans ce long métrage plusieurs thèmes chers à la réalisatrice : les destins de femmes fortes mais vulnérables, la question du sacrifice, la manière dont un environnement très concret peut révéler les failles intimes. Quelques années plus tard, Zlotowski continuera d’explorer ces motifs dans d’autres films, ce qui rend Grand Central encore plus intéressant à revoir aujourd’hui, comme une étape clé de sa filmographie.


Une actualité toujours brûlante

Pourquoi reparler de Grand Central aujourd’hui, plus de dix ans après sa sortie en salles et sa présentation à Cannes dans la sélection Un certain regard en 2013 ? Tout simplement parce que le film n’a jamais été aussi en phase avec les débats contemporains.

L’énergie nucléaire revient au centre des discussions, entre besoin de production et inquiétudes environnementales. Le film, sans être un pamphlet, met en lumière le quotidien de ces travailleurs du nucléaire que l’on voit rarement, ceux qui acceptent de prendre des doses parfois limites pour faire vivre un système qui les dépasse.

La diffusion régulière du long métrage à la télévision française montre qu’il continue de parler à un large public, bien au delà des seules salles d’art et essai. Pour les spectateurs qui le découvrent aujourd’hui, Grand Central fonctionne autant comme une histoire d’amour impossible que comme un rappel, discret mais tenace, de ce que coûte concrètement la production d’électricité.

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