Vous pensiez que les pubs sur YouTube étaient déjà pénibles ? Netflix et Google ont décidé de pousser le curseur encore plus loin. Et cette fois, c’est l’intelligence artificielle IA qui s’invite dans le salon.
C’est officiel : à partir de 2026, nous pourrions ne plus seulement subir des coupures publicitaires pendant nos séries préférées, mais vivre une immersion marketing rendue invisible… ou presque. Netflix l’a annoncé lors de son dernier événement Upfront début mai : des publicités générées par IA vont s’incruster en plein milieu des épisodes, de manière « harmonieuse ». De son côté, YouTube a présenté une technologie qui repère les moments émotionnellement intenses dans une vidéo pour y placer ses annonces. Le rêve d’un streaming apaisé s’efface peu à peu.
Netflix, champion du binge-watching… et bientôt du ciblage publicitaire
On l’avait senti venir. Après avoir introduit une formule avec publicités en 2022, Netflix a franchi une nouvelle étape cette semaine en annonçant des publicités dites « mid-roll interactives », générées en temps réel grâce à l’IA. L’objectif ? Créer des spots qui s’intègrent aux décors, à l’ambiance et même à l’univers visuel des séries ou films que vous regardez.
Amy Reinhard, responsable de la division publicité chez Netflix, a tenté de rassurer : « Les spectateurs prêtent autant d’attention aux pubs qu’aux contenus eux-mêmes. » On ne sait pas si cela inclut ceux qui quittent la pièce ou zappent sur leur téléphone…
Mais soyons honnêtes : l’enjeu est économique. Le palier « avec pub » de Netflix a séduit 94 millions d’utilisateurs mensuels, soit plus du double par rapport à l’an dernier. Une manne que la plateforme ne peut plus ignorer.
Et si vous pensiez pouvoir esquiver ces réclames en mettant simplement la lecture sur pause pour aller chercher un café… mauvaise nouvelle. Netflix teste aussi les « pause ads » : des pubs fixes qui apparaissent dès que vous appuyez sur le bouton pause. Souriez, vous êtes monétisés.
YouTube : des pubs qui tombent pile… au mauvais moment
Du côté de YouTube, l’innovation n’est pas moins sournoise. Le géant de la vidéo mise sur Gemini, son IA maison, pour analyser les vidéos et identifier les instants les plus « significatifs ». Mariage, chute de tension dramatique, moment d’émotion ? Bingo : l’algorithme vous servira une pub pile après.
Baptisée « Peak Points », cette technologie promet aux annonceurs de toucher l’utilisateur « quand il est le plus attentif ». Une belle avancée du point de vue du marketing, mais une expérience potentiellement frustrante pour l’audience.
Imaginez la scène : votre youtubeur préféré fait une annonce bouleversante, ou un vidéaste dévoile enfin le secret d’un boss dans un jeu vidéo… et paf, une publicité pour un service bancaire ou un déodorant vient briser la tension. De quoi faire regretter les pubs YouTube des débuts, certes omniprésentes, mais plus prévisibles.
Ce que l’IA change vraiment dans la publicité
Ce qui rend ces évolutions plus inquiétantes que les simples « coupures pubs », c’est la dimension invisible de l’IA. On ne parle plus seulement d’interrompre le programme, mais de fusionner pub et contenu, comme si l’un ne pouvait plus exister sans l’autre.
C’est là que la frontière devient floue. Avec les technologies génératives, Netflix pourrait par exemple insérer subtilement une marque dans une scène d’action, sans que cela ressemble à une pub traditionnelle. La publicité devient alors une sorte de produit caméléon. Un placement de produit 2.0 qui n’a plus besoin d’être discret, car il est littéralement conçu pour ne pas se voir.
Et ce n’est que le début. Sur Prime Video, Amazon teste déjà le bouton « Shop the Show », qui permet d’acheter directement les produits vus à l’écran. Imaginez ce concept couplé à une IA qui vous cible personnellement : demain, votre Netflix pourrait vous suggérer d’acheter la robe de l’héroïne ou le modèle exact du grille-pain aperçu dans la cuisine d’un personnage.

Ce que ça dit de l’évolution du streaming
Pendant longtemps, Netflix a incarné l’alternative au câble et à ses pubs incessantes. C’était la promesse de l’ère numérique : du contenu quand on veut, sans interruption, à condition de payer un abonnement. Aujourd’hui, cette promesse s’effrite.
Ce virage, certains l’appellent l’« enshittification » ou la merdification : un néologisme popularisé par l’auteur Cory Doctorow, qui décrit la dégradation progressive des plateformes numériques. On attire les utilisateurs avec une offre attractive, puis on détériore lentement l’expérience pour maximiser les revenus publicitaires. Exactement ce que vivent aujourd’hui les utilisateurs de Facebook, Instagram, TikTok… et désormais, les abonnés Netflix.
Les utilisateurs français entre résignation et ruse
En France, les réactions ne se sont pas fait attendre. Sur Twitter/X et Reddit, les commentaires oscillent entre humour désabusé/Sarcasme et rage froide :
« Je paie un abonnement pour être traqué par une IA publicitaire ? Non merci. »
« Bientôt une pub dans ma série chaque fois que je pleure ? »
« Il reste encore uBlock Origin, mais pour combien de temps ? »
Et c’est bien là le problème : les moyens de contournement se raréfient. Les bloqueurs de pub sont inefficaces sur les TV connectées et les applications mobiles. L’abonnement YouTube Premium à 13 € reste la seule vraie porte de sortie, tout comme l’abonnement Netflix sans pub… quand il est encore disponible.
Or, ce modèle renforce une fracture symbolique : le confort numérique devient un luxe, réservé à ceux qui peuvent payer l’exemption publicitaire. Les autres ? Ils subiront un flux constant de messages commerciaux, de plus en plus personnalisés, de moins en moins évitables.
Un futur saturé de pub… ou une résistance possible ?
Il ne s’agit pas de diaboliser la publicité. Elle finance des milliers de créateurs, des journaux, des applications, et même certains services publics. Mais la question de l’équilibre se pose plus que jamais.
Quand la technologie permet d’infiltrer la pub jusqu’au cœur de l’émotion, de la fiction, de la surprise… ne risque-t-on pas d’y perdre la magie du récit ? Que vaut un épisode haletant si chaque tension est ponctuée d’un rappel à consommer ?
Il est encore temps d’inventer d’autres modèles. Des formats de pub moins intrusifs. Des abonnements hybrides mieux conçus. Ou tout simplement, de remettre l’expérience utilisateur au centre des décisions.