Entre nostalgie et progrès technologique, les fans de Dragon Ball, One Piece ou Sailor Moon tremblent : Toei Animation a annoncé une intégration massive de l’IA dans ses futures productions. Que faut-il en penser ? Décryptage d’un choix qui secoue l’industrie.
Une révolution silencieuse chez Toei
Toei Animation, pilier historique de l’animation japonaise, s’apprête à tourner une page. Dans son dernier rapport financier annuel (exercice clos en mars 2025), le studio a confirmé sa volonté d’intégrer l’intelligence artificielle générative à presque toutes les étapes clés de la production d’anime.
Fini les assistants croulant sous des milliers de dessins à retoucher manuellement : l’IA devrait désormais intervenir sur des postes aussi stratégiques que :
- La création de storyboards,
- Le coloriage automatique,
- La correction des dessins intermédiaires (les fameux genga),
- La génération de décors à partir de photos.
Mais ce n’est pas tout : Toei ne fait pas cela seul. Il s’est engagé dans une collaboration avancée avec Preferred Computing Infrastructure, Inc., une jeune entreprise techno qui verra le jour début 2026. Derrière cette structure, on retrouve de très gros noms : Preferred Networks, Mitsubishi Corporation et Internet Initiative Japan. Du solide, donc.
« Toei, ce n’est plus ce que c’était » : la réaction des fans
Depuis l’annonce, c’est un raz-de-marée de réactions sur les réseaux sociaux. Les plus nostalgiques crient déjà à la mort de l’animation traditionnelle japonaise :
« On regarde un anime pour l’émotion transmise par les traits humains. Pas pour du copier-coller d’algorithme. » – @ErenLeFan sur X (ex-Twitter)
Certains y voient une trahison. Une rupture du pacte implicite entre créateurs et fans. Dans l’univers otaku, le respect du travail artisanal est presque sacré, et les animateurs sont considérés comme des artistes à part entière. L’idée qu’une IA remplace leur coup de crayon ne passe pas facilement.
Mais l’IA est déjà là, et depuis un moment…
Il faut toutefois relativiser : Toei n’en est pas à son coup d’essai. Dès 2021, l’entreprise avait testé Scenify, une IA capable de transformer des photos en arrière-plans animés. Résultat : un gain de temps impressionnant (divisé par six, selon le studio) sans altération notable du style visuel.
Autre exemple : en 2023, Toei a investi dans des outils d’auto-colorisation, souvent critiqués mais très efficaces pour des séquences répétitives. Et jusqu’ici, la grande majorité des spectateurs n’a rien remarqué.
« Tant que le rendu reste fidèle à l’univers, l’outil importe peu. On a déjà accepté la 3D dans l’anime, non ? » – @YamiOtaku sur Discord
Une question de stratégie… et d’argent
Pourquoi ce virage maintenant ? D’abord, pour réduire les coûts. L’animation japonaise est confrontée à une demande mondiale explosive, mais les budgets ne suivent pas toujours. Les studios doivent produire plus vite, souvent dans des délais intenables.
Ensuite, parce que Toei veut garder une longueur d’avance. En collaborant directement avec une entreprise qui développera ses propres modèles d’IA et son matériel dédié, le studio sécurise l’accès à une technologie de pointe… et évite de dépendre des géants étrangers comme OpenAI ou Google.
Enfin, Toei possède un avantage de taille : il détient les droits sur des décennies de productions. Cela signifie qu’il peut nourrir ses IA avec ses propres contenus, sans se heurter aux débats houleux sur le plagiat algorithmique.
Mais alors, où est le problème ?
L’un des principaux points de crispation réside dans l’impact sur l’emploi des animateurs. En particulier ceux qui débutent, et qui passent habituellement par les étapes les moins glamour (in-betweens, retouches de trames, etc.). Ces tâches, aujourd’hui automatisables, sont pourtant la base de la formation dans l’industrie.
« Si les jeunes n’ont plus d’espace pour apprendre, l’industrie s’effondre sur elle-même. » – Témoignage d’un animateur freelance recueilli par AnimeNewsNetwork
Autre sujet délicat : la standardisation visuelle. L’IA, aussi puissante soit-elle, tend à lisser les styles, à homogénéiser les traits. Or l’anime, c’est aussi une histoire de diversité graphique. De Tetsuya Nomura à Masaaki Yuasa, ce sont les imperfections et les fulgurances humaines qui marquent.
Le futur de l’anime japonais : entre rupture et continuité
Toei n’est pas seul. D’autres studios comme OLM Digital, MAPPA ou CloverWorks testent aussi l’IA, souvent discrètement. La différence ? Toei l’annonce, l’assume… et l’affiche clairement dans ses rapports publics.
Mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose. En étant transparent, le studio ouvre le débat et permet aux professionnels, comme aux fans, de s’interroger sur la suite.
Dans dix ans, regardera-t-on un anime dont 90 % des plans auront été générés par une machine ? Peut-être. Mais ce ne sera pas forcément au détriment de l’émotion. Tout dépendra de qui pilote ces IA, et surtout de ce qu’on leur demande de faire.
Ce qu’il faut retenir
- Toei Animation va intensifier l’usage de l’IA dans ses productions dès 2025.
- Le studio collaborera avec une nouvelle entité technologique japonaise, Preferred Computing Infrastructure.
- Les fans sont divisés entre fascination pour le progrès et peur de la perte d’âme de l’anime traditionnel.
- Des questions éthiques, artistiques et économiques sont encore loin d’être résolues.