Le verdict tombe : Alien: Earth démarre en fanfare. Première série télévisée de la franchise imaginée par Noah Hawley (Fargo, Legion), le show s’installe directement numéro 1 sur Disney+ (à l’international) et Hulu/FX (aux États-Unis). Derrière l’éclat marketing, des chiffres costauds, un bouche-à-oreille qui enfle et surtout, un accueil critique rare pour un univers aussi culte que souvent malmené.
Ce que disent les chiffres (et ce qu’ils veulent dire)
Disney annonce 9,2 millions de “vues” en 6 jours pour le lancement. Important à comprendre : l’entreprise convertit les heures visionnées en « vues » selon la durée de l’épisode. Ce n’est pas un comptage des foyers, mais l’indicateur reste utile pour comparer l’attrait initial à d’autres cartons maison. En parallèle, les baromètres critiques affichent un vert qui tire vers le xéno-vert: score critique “fresh” quasi-unanime et metascore élevé. Traduction : ça plaît aux journalistes comme au public et pas qu’aux nostalgiques.
Pourquoi Alien: Earth fait parler plus fort que les autres séries de franchise
On avait de bonnes raisons d’être méfiants : après Alien (1979) signé Ridley Scott et Aliens (1986) par James Cameron, la licence a tangué (Alien³, Resurrection, les crossovers AVP, puis les préquelles métaphysiques Prometheus/Covenant). En 2024, Alien: Romulus remettait du sang et du couloir sombre dans la machine. Alien: Earth prend le relai avec une stratégie très claire :
- Un ADN télé assumé, mais une mise en scène ciné : cadre, lumière, décors industriels et organiques, animatroniques et VFX à l’ancienne mêlés au numérique.
- Un ancrage thématique moderne : identité, transfert de conscience, corps synthétique, corporations tentaculaires, course à l’immortalité.
- Un dosage “best-of” de la saga : la terreur rampante d’Alien, la pression militaro-corporate d’Aliens, les questionnements de Prometheus… sans oublier des jaillissements gore que n’aurait pas reniés Romulus.
Résultat : la série coche les cases fan-service sans renier la patte Hawley, qui aime la parabole, la citation littéraire et les personnages ambigus.

De quoi ça parle (sans spoiler)
Wendy (Sydney Chandler) est un cas-limite, fascinant mais dérangeant : un corps synthétique qui abrite la conscience d’une enfant condamnée. Lorsqu’un vaisseau de recherche de Weyland-Yutani s’écrase en zone Prodigy (une multinationale rivale), Wendy et une poignée d’hybrides ( ces humains “transférés” ) partent à l’investigation. Mauvaise pioche : le cargo n’était pas vide. Sur Terre, en 2120, l’écosystème humain devient un terrain de chasse.
Autour d’elle gravite Kirsh (Timothy Olyphant), synthé mentor à la bienveillance douteuse, Hermit (Alex Lawther), frère survivant aux loyautés mouvantes et des figures d’enfants-soldats qui portent des noms empruntés à Peter Pan (Slightly, Smee…), clin d’œil noir sur la perte d’innocence et le refus de grandir au cœur du projet Prodigy.
Que disent les critiques
Les grands titres saluent un retour au sommet. Plusieurs éléments reviennent :
- La tenue artistique : un objet « gros comme le cinéma » mais pensé pour la série, au rythme posé, à la tension continue.
- Le sens du monde : des corporations omniprésentes, une mythologie clarifiée sans trop verrouiller, des créatures filmées avec cruauté méthodique.
- La valeur “préquelle utile” : contrairement à tant d’origines stories, Alien: Earth enrichit son matériau d’origine au lieu de le rétrécir.
Côté punchlines critiques (qu’on adore citer dans nos rédactions), on lit des formulations qui claquent : « meilleur Alien depuis 1986 », « aura hérissée, déroutante, confiante », « une rare préquelle qui enrichit son matériau ». Ce n’est pas anodin : ces éléments de langage forment la narration médiatique qui ancre une série dans l’imaginaire. Et quand presse généraliste et presse ciné parlent d’une seule voix, la conversation dépasse la bulle des fans.

Mise en scène : la peur par la géométrie
Hawley travaille la peur par l’espace et par le son. Caméras basses, plongées industrielles, travellings qui épousent la perspective des conduits : on est à hauteur de proie. Les silences compressés, puis les explosions de bruits organiques annoncent la morsure. L’éclairage est crasseux (Terre/corpo) ou chirurgical (laboratoires, sas) et le design des hybrides cultive l’entre-deux : humains trop lisses, machines trop sensibles. Le monstre, lui, redevient événement, pas mascotte.
Predator : Badlands , Le retour du Yautja et la connexion avec l’univers Alien
Personnages : Wendy au cœur, Kirsh en ligne brisée
- Wendy : héroïne tragique, monstrueuse et tendre, miroir de notre obsession à vaincre la mort , mais à quel prix ?
- Kirsh : synthé pédagogue, il observe plus qu’il ne parle. Ambigu, mais pas cynique ; il incarne la grande question : que reste-t-il d’humain quand l’éthique devient paramètre ?
- Les “enfants perdus” : figures de conte réécrites en armée du futur, vertigineuses quand l’innocence rencontre l’armement.
Fan de la saga ? Voilà comment la série se place
- Temporalité : située deux ans avant les évènements du film de 1979, la série n’empiète pas sur les révélations cardinales mais éclaire les coulisses corporatistes et bio-éthiques.
- Ton : on est plus près de Scott 1979 (angoisse sourde) que du Cameron 1986 (heroic mayhem), même si certains segments lorgnent vers la scansion militaire d’Aliens.
- Mythologie : Earth clarifie sans tout dire. Les fans de Prometheus y liront des échos conceptuels ; les amateurs de couloirs sombres y trouveront leur lot de set-pieces impeccablement chorégraphiées.
Combien d’épisodes, où regarder ?
Saison 1 : 8 épisodes. Diffusion hebdo le mardi (heure US) avec un double épisode d’ouverture le 12 août 2025, puis un épisode par semaine jusqu’au 23 septembre 2025. En France et dans la majorité des territoires, c’est sur Disney+ (onglet Star). Aux États-Unis : FX à l’antenne et Hulu en streaming. L’épisode 3, Metamorphosis, est tombé cette semaine ; l’épisode 4, Observation, est attendu le 26 août.
Faut-il regarder Alien: Earth ?
Oui, si vous aimez la SF qui pense autant qu’elle saigne. La série ne court pas après les jumpscares : elle installe la peur, cultive l’ambiguïté morale et remet le Xénomorphe à sa place : une calamité. Non, si vous voulez un blockbuster pur sucre chaque semaine : Earth préfère la montée en puissance aux feux d’artifice permanents.
Le bilan (provisoire)
- Ambition artistique : haute.
- Cohérence de l’univers : solide, lisible, stimulante.
- Accessibilité : surprenamment bonne pour les néophytes, excitante pour les vétérans de la saga.
- Potentiel : si la tenue se confirme jusqu’au final, on tient la meilleure déclinaison télé possible pour Alien.
Alien : Earth est disponible sur Disney+